Ligne 1 de transport en commun : le Grand Nancy sous anesthésie...

Grand Nancy Métropole
vendredi 25 mai 2018 13:14

Débat de dupes cet après-midi au Grand Nancy... Je suis intervenu pour dire me semble-t-il ce que beaucoup de nos concitoyens pensent et disent. La pression est terrible de toutes parts, mais j'ai l'habitude d'être franc et de ne pas me coucher...
Hervé Féron.

 

Conseil de Métropole – Vendredi 25 mai 2018 

Délibération n°7 : Extension et renouvellement de la ligne 1 : décisions consécutives à la concertation préalable 

Intervention d’Hervé Féron 

 

Monsieur le Président,  

Chers collègues,  

 

Il s’agit dans ce Conseil de Métropole de se positionner sur le renouvellement et l’extension de la Ligne 1 de transports en commun consécutive à la concertation préalable. Monsieur le Président, votre opposition est évidemment piégée par la méthode. A défaut de nous proposer le tram sur rail dans une première intention pour qu’il monte à Brabois, vous nous proposez un autre mode de transport, vous nous menez en bateau.  

 

La première grande faiblesse de ce dossier, c’est qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu de financement de prévu ou de précisé. Et il est à craindre que ce point faible légitimera le fait de différer encore, ou de ne pas réaliser le tram sur rail jusqu’à Brabois.  

 

L’autre point faible, c’est bien évidemment l’absence de stratégie pluriannuelle depuis si longtemps, c’est-à-dire d’une véritable politique publique pensée, partagée et mise en œuvre selon un planning cohérent.  

 

Le piège qui nous est tendu, c’est aussi lorsque vous avez proposé au Vice-président Christophe Choserot de travailler sur ce dossier. Il a fait un excellent travail que nous souhaitons tous remarquer ici. Mais cela n’enlève rien au contexte et à l’histoire… 

 

Oui, c’est piégeant, puisqu’à partir de son travail, vous avez amendé votre texte, vous l’avez même amélioré, on y sent des promesses subliminales. Et l’on pourrait même y lire une intention d’entendre ce que les personnes qui se sont exprimées très majoritairement lors de la consultation publique ont manifesté : la volonté d’une desserte du Plateau de Brabois par le futur tramway d’ores et déjà décidée.  

 

Mais comme vous n’avez pas prévu le financement,  on tourne en rond et on se retrouve confronté aux mêmes atermoiements.  

 

Alors dans le Groupe de Gauche, on aura des votes « pour » parce que certains voient un réel progrès à travers cette délibération. Progrès accompli grâce au travail de Christophe Choserot, mais aussi grâce à celui des élus de Gauche, ceux de Vandœuvre et ceux de l’Est de l’agglomération, ainsi qu’à celui des associations qui ont participé à la concertation et qui ont elles-mêmes organisé des débats au-delà de votre concertation. 

 

Et dans notre groupe, vous aurez également des votes « contre ». Ne vous engouffrez pas dans la démagogie qui consisterait à dire que les votes contre signifieraient ne pas vouloir d’un projet de transports en commun. Ceux qui voteront contre expriment le fait qu’ils n’y trouvent pas leur compte. 

 

Christophe Choserot a donc fait ce qu’il a pu dans le contexte très contraint qui lui a été réservé. Le contexte très contraint, ce sont des promesses décennales et récurrentes qui nous ont tant fait espérer, mais qui n’ont jamais été tenues. Je voudrais vous donner quelques exemples, alors qu’il pourrait y en avoir des dizaines à citer : 

 

Le même texte confirmait pour la ligne 2 un matériel roulant de type trolleybus articulé avec guidage optique. Non content d’avoir été soumise à la première concertation, cette proposition était inscrite dans le dossier d’enquête publique. Mais, retournement de situation, vous annonciez début 2011 des bus à haut niveau de service… 

 

Comme tant d’autres fois auparavant, vous vous engagiez personnellement le mois dernier sur ce dossier, promettant donc le tram à Brabois en 2023. Et cette fois encore vous nous demandez de vous croire sur parole.  

 

Après cette énumération impressionnante, force nous est de constater que la majorité ne vient pas de découvrir la situation, ni sa gravité. Cette délibération nous dit-on, consiste à définir le périmètre et les caractéristiques du projet. Mais comment nous engager sur une telle intention, sans avoir au préalable une approche précise du financement ? Les seuls éléments de cadrage financier que l’on puisse évoquer sont issus du rapport budgétaire, et alors là… grand flou artistique.   

 

D’abord vous ne nous dites pas précisément comment vous financez la version bas de gamme, et vous nous dites encore moins comment vous financez la version que le grand public a choisi. Il me semble donc qu’à travers cette délibération, vous proposez le marché de dupe : finançons une fois de plus des études, elles aboutiront à la conclusion que nous n’avons pas les moyens de le faire.  

 

Dans le Rapport d’Orientation Budgétaire 2018, il est dit que « l’amélioration de l’épargne brute passerait par l’augmentation des recettes réelles de fonctionnement [en d’autres termes par] la fiscalité, la tarification des services publics, et/ou la diminution des dépenses de fonctionnement ». Question : Pour ce qui concerne la fiscalité, avez-vous l’intention d’augmenter les taux d’imposition ? Si oui, de combien ? Et quand ? Les citoyennes et citoyens que nous représentons doivent savoir. Autre question : la tarification des services publics. De quel(s) service(s) public(s) parlez-vous ? Ils ont déjà tous augmenté… Et à  combien alors se monteront ces nouvelles augmentations ? Et quand ? En 2020 ? Au lendemain des élections municipales ?  

 

Dans le ROB, il est également question de diminuer le programme d’investissements. Question : Avez-vous à cette occasion l’intention de vous recentrer sur votre cœur de métier, c’est-à-dire sur des investissements qui concernent vos compétences premières ?  

 

Toujours dans le ROB, vous envisagiez en décembre dernier « le resserrement des critères de prise en charge gratuite des transports scolaires » et nous nous en inquiétions déjà. Nous avions malheureusement raison car nous verrons dans un moment ce que « resserrement » signifie pour votre majorité. Vous souhaitiez également rationaliser la politique vélo, en d’autres termes faire là des économies de bouts de chandelle. La seule rationalisation qui vaille en la matière serait de mener enfin une politique vélo digne de ce nom en aménageant de véritables itinéraires cyclables, cohérents, sécurisés et agréables.  

 

Il y aurait encore de nombreuses questions à poser quant à vos intentions pour financer la ligne 1. Vous voulez nous éteindre les lumières après les avoir célébrées sur la place Stan. Vous avez déjà diminué considérablement l’entretien des voiries secondaires dans les communes périphériques. Et quoi ensuite ? Les espaces verts ? Les ordures ménagères ? J’en profite pour renouveler une question que j’ai déjà posée à plusieurs reprises : vous avez annoncé la fermeture de 1 ou 2 piscines alors que les enfants des écoles ne bénéficient pas de suffisamment de créneaux. Pouvez-vous nous dire clairement à quelles piscines vous pensez ?  

 

Pour l’instant vous n’êtes pas en capacité de nous dire comment vous allez financer ce nouveau tram, alors que vous savez depuis de nombreuses années que nous aurons inéluctablement ce rendez-vous. Nous, élus de Gauche, nous pensons que nous devons donner à notre territoire un réseau de transports en commun fonctionnel à hauteur de l’ambition indispensable qui permettra par cet aménagement de mettre en cohérence nos politiques publiques. C’était notre programme avant les élections municipales, et c’est à ce projet qu’aboutit le travail de Christophe Choserot. Sauf que par ailleurs vous avez plombé la capacité d’investissement du Grand Nancy et vous n’avez pas prévu le financement de cette infrastructure essentielle pour notre intercommunalité.  

 

Comment peut-on envisager un Projet Métropolitain alors même que nous ne sommes pas en capacité de donner réponse aux besoins réels de déplacement des grands Nancéiens ?  

Dans une lettre co-signée un certain nombre de responsables de Nancy-Brabois Technopole interpelle , je les cite : »Si notre Métropole ne sait pas mettre en œuvre un réseau de transport en commun efficace et dans un délai court, la performance économique dont nous avons besoin ne sera pas au rendez-vous, sans parler des questions de pollution et de dégradation de la qualité de vie à laquelle nos salariés sont désormais très sensibles ». 

 

Lorsqu’enfin vous aurez répondu à toutes ces questions, (si vous le voulez bien)c’est-à-dire que vous ferez face à ces responsabilités qui sont les vôtres  depuis tant d’années, nous découvrirons qu’une fois de plus votre proposition est la proposition du pauvre. Du pauvre parce que vous êtes mal endetté, mais chacun ici s’en souvient, nous vous avons suffisamment prévenu, et depuis si longtemps. 

 

Lorsqu’au point n°5 de votre délibération, vous titrez« une DUP pour un projet complet », c’est d’emblée une contre-vérité. Le projet que vous proposez n’est pas complet. La vraie ambition pour la Métropole du Grand Nancy c’est effectivement un tram sur fer de la Porte Verte jusqu’à Brabois, mais sans rupture de charge, et tout de suite, c’est-à-dire sans étape. Et ce projet ne sera complet que s’il respecte entièrement le tracé suivant : Porte Verte, Kléber, Barrois, République/gare, Vélodrome, boulevard de l’Europe jusqu’au carrefour avec l’avenue Jeanne d’Arc d’une part, mais aussi la continuité jusqu’à Brabois. C’est l’extension sur l’ancienne voie Saint-Georges longeant vers le Nord la voie de la Meurthe. C’est une extension vers la zone Roberval à Vandœuvre, plus la traversée de Saint-Max et d’Essey en site partagé, comme convenu avec les deux maires. Alors je vous entends déjà  me répondre « mais c’est exactement ce nous proposons dans notre délibération ». Et bien non. Dans votre délibération, vous nous renvoyez à des études et vous continuez à conditionner le projet complet à un financement dont vous ne dites rien. Ce qu’il nous faut, Monsieur le Psident, c’est mettre en place un plan pluriannuel de développement du réseau de transport en commun, c’est un planning, ce sont des dates qu’il nous faudra honorer, c’est une stratégie, une construction cohérente du projet et de son financement détaillé.  

 

Il fallait y penser à la desserte de Brabois avant même que d’organiser la migration des facultés et des emplois vers le plateau. Nous avons la responsabilité du transport aller et retour d’environ 45.000 personnes au quotidien. Comment peut-on traiter ce sujet avec autant de légèreté ? Quelles sont vos solutions pour la rentrée universitaire 2018 ? L’ajout d’une rame le matin grâce à la récupération du matériel de Caen ? La suppression de sièges dans ces mêmes rames afin d’y entasser plus « d’usagers-contribuables » ? Et quoi ensuite ? Des pousseurs de passagers comme dans les métros japonais ? Vous rafistolez, vous improvisez, alors que tout cela aurait dû être anticipé. Quelle était l’urgence d’installer dès à présent ce campus santé ?  

 

Alors on nous dit que le projet complet coûterait 80, 100, et maintenant 130 millions de plus. Très franchement, je demande à voir. Cela mérite d’être vérifié. Pendant des mois, on nous a bien raconté que techniquement il était impossible de faire monter le tram à Brabois. Il n’était donc même pas question d’en parler. C’était un alibi. Aujourd’hui, on sait que techniquement c’est possible. Alors quand on nous parle de ces sommes énormes, nous demandons à ce que cela soit regardé de plus près parce que l’affirmer légitime le fait de nous proposer en décembre prochain un projet en deux phases. Mais ce projet en deux phases soit sera une promesse mensongère, soit coûtera beaucoup plus cher puisqu’il nécessiterait des travaux provisoires, par exemple d’aménagements au Vélodrome, pour une reconfiguration ultérieure avec de nouveaux travaux pour une deuxième phase. Cela ne tient pas debout.  

 

Nous avons des propositions.  

1/ Répondez à nos questions quand on vous interroge.  

2/ Ecoutez-nous de temps en temps. 

Et 3/ S’il faut trouver ces dizaines de millions supplémentaires, nous vous proposons de reporter le très onéreux projet Grand Nancy Thermal qui devrait coûter à la Métropole 81 millions d’euros en 30 ans. Je m’explique : La participation métropolitaine à l'investissement serait de 25 millions d’euros, auxquels pourraient s’ajouter les 5 millions d’euros annoncés par subventions de la Région = 30 millions. Si l’on considère qu'il était prévu une participation aux dépenses annuelles de 1,3 million d’euros et que l’on évoque aujourd'hui plutôt 3 millions d’euros par an, cela représente un dérapage de 1,7 million d’euros chaque année, par rapport à ce qui avait été dit. Ainsi, en fonctionnement, le projet Grand Nancy Thermal pourrait coûter : 1,7  million d’euros, multiplié par 30 ans, c’est-à-dire la durée de la délégation de service public, soit 51 millions d’euros, auxquels doivent s’ajouter ces 30 millions. Nous arrivons donc à 81 millions d’euros pour la Métropole en trente ans.  

 

Nous proposons aussi de nous reconcentrer sur nos compétences premières, d’arrêter les dépenses fastueuses, de prioriser, de revisiter les moyens que nous mettons pour des études. Nous allons en débattre plus tard, mais tout de même, 2, 8 millions d’euros annuels pour SCALEN, on peut peut-être se poser la question : à quoi ça sert ? Comment cet outil est utilisé ? Quel bénéfice le Grand Nancy tire-t-il de toutes ces études ? Les grands Nancéiens ont-ils conscience que cela nous coûte 2,8 M par an ?  

 

Autre proposition : abandonner le recrutement d’une agence de communication dans le cadre de la politique de la ville qui nous couterait 650.000 €, recrutement qui sera soumis au vote plus tard et qui s’ajouterait à celui d’une autre agence déjà décidé il y a deux mois seulement. 

 

Nous vous  proposons également de renoncer à la Fondation pour l’humanisme numérique et de nous recentrer enfin sur nos compétences premières et le cœur de métier de la MétropoleOu encore de rechercher une meilleure lisibilité du budget en ce qui concerne les lignes éparses des frais de protocole… 

Nous avons beaucoup d’autres idées et nous nous tenons à votre disposition pour travailler en ce sens.  

 

En somme, ce que nous proposons nous, c’est l’ambition juste pour notre Métropole. C’est d’être clairvoyant et responsable. Vous le disiez vous-même, Monsieur le Président, « Il arrive un moment en politique où il faut s’afficher et dire "voilà ce que je veux" ; où il ne faut pas être frileux ; où il faut oser ». Et bien, osons !