2ème dividende numérique

A l'Assemblée Nationale
mercredi 30 septembre 2015 21:40

Retrouvez l'intervention d'Hervé Féron à l'occasion de l'étude du rapport de la Commission mixte paritaire de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre :

Merci Madame la Présidente.

Madame la Ministre, chers collègues,

En France et dans le monde, la consommation d'Internet et les usages numériques explosent. Et pourtant, dans notre pays, de trop nombreuses zones blanches perdurent, où l’accès à Internet est toujours impossible et où les téléphones mobiles ne passent toujours pas. C’est pourquoi cette Proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, sur laquelle députés et sénateurs se sont accordés sans difficultés au terme de la Commission mixte paritaire, tient compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire.   

Actuellement exploitées par la télévision numérique terrestre (TNT), les ressources hertziennes doivent être redistribuées aux opérateurs télécoms pour une utilisation à partir de la mi-2016. Cette mise à disposition fait écho à la période de 2008-2010, au cours de laquelle une partie des fréquences libérées par l’extinction de la télévision analogique, appelée la « sous-bande », avait déjà été affectée à l’accès à l’Internet haut débit.

En disposant de cette réserve de 700 méga-hertz (MHz), ces opérateurs pourront intensifier le déploiement de l’Internet mobile à très haut débit sur le territoire national, avec la 4G voire la 5G. Hier, Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et Numericable-SFR, avaient tous déposé leur dossier auprès de l’Arcep, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Les objectifs de la Proposition de loi sont multiples: alimenter un secteur toujours en quête de spectre, notamment à cause de l'explosion des usages dus à la 4G, tout en permettant à l’Etat de financer l’effort supplémentaire de défense engagé lors de la révision de la loi de programmation militaire, au début du mois de juin dernier. Il s’agit ainsi d’une étape importante pour l'avenir des opérateurs, mais aussi pour l’Etat, qui prévoit plus de 2,5 milliards d'euros de recettes.

Mais si l’enjeu économique est important, ce sont surtout les bénéfices concrets pour nos concitoyens qui doivent nous intéresser : en effet, ces enchères sont assorties d'obligations de couverture du territoire. Ces « fréquences en or », appelées ainsi du fait de leurs propriétés, permettent une meilleure qualité de service tout en offrant une portée plus importante aux antennes relais. Les fameuses « zones blanches », à l’origine d’une véritable fracture numérique sur notre territoire, seraient ainsi amenées à disparaître. Aujourd'hui, en effet, comment un village sans réseau mobile pourrait-il espérer développer convenablement la moindre activité économique ? C’est même une question d’égalité citoyenne : pourquoi un Français habitant en zone rurale n’aurait-il pas accès aux mêmes services numériques qu’un Français de la ville ? 

Au-delà de la couverture de la France métropolitaine, sur le territoire de chaque département, il est également question de fournir en 4G et 5G les principaux axes routiers et ceux du réseau ferré régional (TER, RER, Transilien et chemin de fer de la Corse). Les opérateurs titulaires d’une licence dans les 700 MHz devront également s’assurer de la qualité du service fourni auprès des utilisateurs, ce qui est déjà le cas sur les autres bandes de fréquences.

Si l’attribution de fréquences nouvelles à des opérateurs télécom doit nous permettre de dégager un « dividende numérique » et de financer l’effort de défense, elle aura également pour effet d’attirer sur notre sol des entreprises intéressées par une bonne couverture du territoire en 4G et 5G. Récemment, le groupe Apple a préféré s’installer en Asie plutôt qu’en Europe, pour régler au mieux les fréquences que pouvait utiliser l’iPhone. Je souhaiterais, Madame la Ministre, que vous nous en disiez plus sur les impacts économiques que pourrait avoir l’attribution de fréquences nouvelles dans les années à venir.

En outre, je souhaiterais évoquer la menace représentée par Google, Apple, Facebook et Amazon, également connus sous l’acronyme « GAFA », pour le secteur des télécoms. Les GAFA dominent aujourd'hui le marché mondial du numérique et sont les plus gros utilisateurs de bande passante au monde. Pensez-vous que la Proposition de loi que nous allons voter nous permettrait de contrecarrer cette tendance, en renforçant nos « champions nationaux » des télécom face aux GAFA ? Plus largement, serait-il possible de renforcer les obligations pesant sur ces acteurs installés hors de nos frontières, qui inondent depuis des paradis fiscaux nos marchés avec leurs offres de services ultra-compétitives ?

Aujourd’hui en France, il n’existe toujours pas de droit universel d’accès au très haut débit, à la différence de certains autres Etats comme la Finlande. Alors même que France Télécom, devenue Orange en 2013, a une mission de service public en matière de télécom, l’accès à la téléphonie mobile et à l’internet très haut débit ne sont toujours pas compris dans le service universel des communications. Pourtant, avec les évolutions technologiques, au nom de l’équité territoriale et de la solidarité nationale, il y a urgence à déployer le très haut débit partout en France pour assurer le développement équilibré des zones urbaines et rurales. Cette Proposition de loi représente une ouverture vers ce progrès.

Je vous remercie pour votre attention.