Hervé Féron a déposé un amendement cosigné par les députés socialistes sur le projet de loi LCAP qui été adopté en commission et qui est donc devenu l’article 11ter du PL. L’exposé sommaire en est celui-ci :
« Le législateur a souhaité instaurer des obligations minimales en matière de diffusion de chansons d’expression française s’appliquant aux radios privées.
Pourtant, l’exposition de la musique francophone en radio et la diversité musicale ne cessent de se dégrader depuis plusieurs années. Sur certaines radios, à l’heure actuelle, 10 titres francophones peuvent représenter jusqu’à 75% des diffusions francophones mensuelles.
Dans ces conditions d’extrême concentration, le média radio ne permet plus aux nouveaux talents chantant en français de rencontrer leur public alors même que les Français plébiscitent les chanteurs francophones. Ainsi, 15 des 20 meilleures ventes d’album en 2014 ont concerné des artistes chantant en français.
Il est proposé, dans le respect de la liberté éditoriale des radios, d’instaurer un seuil de référence mensuel, à hauteur de 50% des diffusions francophones, pour les dix œuvres musicales d’expression française les plus diffusées par un service de radio. Au-delà de ce seuil de diffusion – en d’autres termes, si le service de radio concerné concentre son top 10 sur plus de 50% de ses diffusions francophones –, les diffusions de ces titres ne seront plus prises en compte pour atteindre les quotas imposés.
Cette mesure permettrait ainsi d’améliorer l’exposition de nos nouveaux talents francophones en radio et de promouvoir la diversité des expressions culturelles. »
Ce nouvel article dans le PL a donné lieu à l’organisation d’une pression terrible de la part de quelques radios commerciales, utilisant leur pouvoir de média et malheureusement trop souvent il a été porté à la connaissance du grand public des informations erronées. Je voudrais apporter quelques précisions. Tout d’abord, à propos des quotas, personne dans la loi n’a parlé de les renforcer. Nous avons juste voulu les faire respecter par certaines radios commerciales qui de plus en plus depuis des années ne les respectent pas en passant de moins en moins de titres francophones (-24% en 7 ans) et en passant de plus en plus souvent les mêmes. Les radios sont plus libres que jamais, y compris de passer 5000 fois le même morceau si ça leur chante, mais au bout d’un moment ça n’entre plus dans le calcul de la diversité et c’est normal.
Un principe de base est important à rappeler : les quotas c’est la diversité culturelle. Les radios commerciales utilisent gratuitement le domaine public des fréquences, en gagnant de l’argent grâce à la publicité. Ce ne sont plus les « radios libres » sans pub des années 80. La moindre des choses c’est qu’elles aient des obligations en contrepartie. Or, elles ont deux types d’obligation : le pluralisme politique et la diversité culturelle.
Les quotas radio nous protègent, nous les auditeurs, contre l’asphyxie culturelle.Contre le risque de n’entendre que de l’anglais, et toujours les mêmes titres. En effet, les quotas concernent les titres chantés en langue française mais aussi les nouveaux talents, les artistes émergents.
Les quotas c’est la liberté d’entendre la diversité. Les auditeurs ne sont pas si contents que ça des radios commerciales : un sondage IFOP montre que chez les 25-34 ans, 65% se plaignent d’entendre toujours les mêmes titres à la radio. Il est choquant d’entendre remettre en cause les obligations de diversité à la radio alors que les artistes qui chantent en français n’ont jamais eu autant besoin que les radios assument leurs responsabilités.
Les radios commerciales disent : « on ne peut plus respecter les quotas parce que les artistes ne chantent plus en français. » Rien n’est plus faux ! En 2014, il y a eu 6700 titres nouveaux produits qui sont chantés en français (rap, rock, variété, jazz, slam, …). Alors que l’on parle de radios qui passent 50 titres francophones en tout par an, 50 sur 6700 ! On n’est donc pas sur une baisse de la production française mais sur une baisse de la diffusion des titres francophones par volonté des radios commerciales.
Ce qui ne vous est pas dit aussi, c’est que les français plébiscitent les artistes francophones. En 2014, sur les 100 premières ventes d’album, 64 étaient chantés en français. En témoignent les succès de Maître Gim’s, Zaz, Stromae, ou Fauve sans parler de toute la scène rap ! La chanson francophone s’est rarement aussi bien portée au plan artistique, elle a rarement été aussi fragilisée au plan économique.
Certaines radios commerciales ne jouent plus le jeu de la diversité :
– Entre 2007 et 2014, la programmation francophone a chuté d’un quart (observatoire de la radio/yacast)
– En 2014, sur 6700 titres produits chantés en français, 1200 ont été envoyés aux radios (80% ne sont pas envoyés car les radios ne les écoutent même pas).
– Sur les réseaux jeunes, 10 titres chantés en français ont représenté 75% de leur diffusion de nouveautés francophones. Donc concrètement, les radios commerciales font 75% de leurs obligations avec 1% des titres reçus.
– 50 titres nouveaux francophones par an sont passés sur les radios commerciales en tout
– En 2007, une nouveauté diffusée sur 4 était francophone. En 2014, une sur dix. Cherchez l’erreur ?
La programmation d’une radio commerciale aujourd’hui c’est 30 titres, 20 en anglais, 10 en français. Ce que l’amendement visé leur demande, c’est 1 ou 2 titres supplémentaires à choisir en toute liberté par les programmateurs des radios parmi 6700 titres. Qui peut sérieusement parler d’atteinte à la liberté ?
Les radios commerciales ont tort de vouloir s’attaquer aux quotas, système souple qui existe dans beaucoup de pays (Belgique, Québec, etc…). Défendre son répertoire national, défendre sa langue est une idée moderne et même pas francophone. C’est l’Australie qui a inventé la première les quotas pour les artistes locaux en 1942 ! En Europe, des pays comme le Portugal, la Norvège ou la Slovénie ont des quotas radio. C’est une évidence : on n’écoute que ce qu’on entend. Moins on entend de nouveaux talents francophones, moins on les écoutera.
Il faut rappeler que l’amendement déposé par Hervé Féron est issu des propositions de Jean-Marc Bordes dans le rapport qu’il avait rendu le 18 mars 2014. Pour ce rapport, il avait consulté très largement toutes les radios et les autres secteurs de musique. Personne n’est pris au dépourvu. La SACEM a adressé un mail à ses adhérents de soutien affirmé à cet amendement. Le SNEP (syndicat des producteurs), les artistes, nombreux sont les acteurs de la filière culturelle qui ont soutenu cet amendement. Il respecte la liberté éditoriale des radios et il veut promouvoir les nouveaux talents francophones et la diversité des expressions culturelles.
Vous pouvez également retrouver les deux interventions d’Hervé Féron le mercredi 30 septembre à l’occasion de l’examen de l’article 11ter du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui traite de la question des quotas sur les ondes radiophoniques.