D’abord, il ne connait pas très bien la réalité du terrain, car partout dans ce pays l’art et la culture vont à la rencontre des publics non habitués et depuis longtemps , grâce aux artistes, aux compagnies, aux associations, aux collectivités aussi. Mais s’il y a moins de monde, parce qu’on se doit de limiter la capacité d’accueil des salles pour respecter la distanciation, à quoi servirait d’aller chercher un autre public ? Je ne comprends pas bien la cohérence de la proposition… Et comment le spectacle vivant pourra-t-il rester vivant avec un fauteuil occupé sur huit ? Et comment pourra-t-on équilibrer les budgets ?
Il propose un soutien financier aux petits festivals, avec la banque publique d’investissement… Mais là aussi, on a trop souvent vu le film. Ces petits festivals, qui crèvent aujourd’hui, devront monter des dossiers administratifs, véritables usines à gaz, pour au bout du compte pouvoir prétendre à des prêts remboursables qui vont les enfoncer un peu plus ? Non ! Ce qu’il faut c’est institutionnaliser un soutien ambitieux et à long terme, qui compense les pertes de recettes jusqu’au jour où nous serons sortis de cette crise et alors, il faudra continuer à accompagner ces petits festivals qui sont le poumon culturel du spectacle vivant dans notre pays, pour qu’ils puissent continuer à vivre, à faire vivre et à faire rêver.
Mais au-delà des petits festivals, il y a aussi les théâtres privés, les petites compagnies qui investissent pour monter des spectacles, qui salarient des comédiens, des musiciens, des metteurs en scène… Ces petites compagnies qui sont terriblement exploitées par les loueurs de garages, lorsqu’elles veulent aller montrer leurs création, au festival off d’Avignon par exemple, lorsqu’on les contraint à un espace scénique réduit, à un créneau horaire réduit, à des conditions techniques réduites et à un loyer exorbitant ! Mais quand est-ce qu’on en parle ? Quand est-ce qu’on vole à leur secours ?
Bon, je ne vais pas passer tous les métiers de la Culture en revue, je ne présente pas là un plan de sauvetage, car je ne suis pas Ministre de la Culture… Mais je voudrais terminer en criant l’urgence à dénoncer le détournement de la création culturelle par les GAFAM, ces géants du net Google, Apple, Facebook,Amazon, Microsoft. On va fermer un jour les librairies, les musées, les salle de concert, parce que les GAFAM sont des ogres. Ils dévorent, ils engloutissent, ils tuent l’art vivant, le livre objet, les créateurs, ils récupèrent, structurent une autre relation du spectateur au créateur. Ils formatent à leur profit.
Le chiffre d’affaire de Google en 2017 était de 109 Milliards, celui d’Amazon 178 Milliards, Facebook 40 Milliards, Apple 88 Milliards.
Il doivent pouvoir exister, bien sûr, car ils présentent un certain intérêt, mais on pourrait rêver à un éveil des consciences qui consisterait à avoir collectivement le réflexe de se tourner directement vers les acteurs culturels vivants, sans avoir recours trop systématiquement à ces intermédiaires certes facilitateurs d’accès, mais anesthésiants du bulbe et confisquant au passage les moyens de l’économie culturelle.
Et si une juste taxation de ces géants du net en France , sur les bénéfices réalisés dans notre pays, était utilisée pour financer les créateurs, les artistes, les musées, le patrimoine ? Et si l’argent pris à la Culture revenait à la Culture ?
Et si on rêvait tous ensemble, parce qu’on le voudrait très fort et parce que nous serions soudain devenus incroyablement pragmatiques tant le rêve nous aurait donné la force, la pertinence et l’impertinence ?