Agir pour vous et avec vous

Catégorie : Actualité (Page 23 de 314)

VGE vient de nous quitter. Il y a quelques mois, j’ai terminé la rédaction d’un roman autobiographique, pour
lequel je viens seulement de commencer à chercher un éditeur. Ce livre s’intitule « Confluences » et relate
plus de 200 grandes rencontres que j’ai faites dans ma vie au parcours atypique. Parmi ces rencontes, il
y eut celle de Valéry Giscard d’Estaing. Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire partager en exclusivité ces
quelques lignes…
 
… Valéry Giscard d’Estaing…
 
J’ai été élu député, la première fois, en juin 2007 et, quelques mois plus tard, je travaillais sur la question du Traité Européen, puisque Nicolas Sarkozy avait décidé de réunir le Congrès à Versailles en février 2008 pour modifier la Constitution et faire ensuite ratifier par l’Assemblée le Traité de Lisbonne (alors même que les français s’étaient prononcés contre (à 55%), lors du référendum de 2005…) C’est ainsi que je me suis retrouvé, député novice, un matin, dans une petite salle de l’Assemblée, avec un collègue lui aussi député, mais plus ancien. Nous étions assistés d’un collaborateur de l’Assemblée, pour auditionner… Valéry Giscard d’Estaing !
Je peux vous dire que c’est impressionnant !
Je me souviens de l’une de mes premières passions amoureuses, je n’avais pas 18 ans. Étendus dans l’herbe, nous contions fleurette, en regardant le ciel et, comme à cet âge-là, on a tendance assez facilement à refaire le monde… Entre autres sujets de conversation, nous avions eu un grand débat sur Valéry Giscard d’Estaing qui venait alors tout juste d’être élu. C’était en 1974.
Et voilà que, beaucoup plus tard, je rencontrais VGE ! C’était mythique pour moi, quasi impossible, irréel ! Lui qui avait été tout puissant, lui qui symbolisait pour moi la rigueur et l’austérité… quand, adolescent rebelle et fragile, je ne respirais que l’utopie, l’abstrait et l’impalpable. J’étais un enfant de demain, alors que pour moi, il n’appartenait déjà qu’au passé. Nous ne vivions pas sur la même planète, ni à la même époque, tout concourait à ce que nous ne dussions jamais nous rencontrer….
Et pourtant… il était bien là et j’étais chargé de le questionner et de l’auditionner !
Il est entré dans la salle, il semblait détendu, bien que sa démarche sur quelques mètres fût définitivement celle d’un chef d’Etat. Même le parquet paraissait s’effacer sous ses pas sentencieux.
Forcément, j’avais un a priori contre lui. Lorsque j’étais jeune, il me semblait déjà vieux, dépassé, hors du temps. Il nous a salués, en nous serrant la main, amicalement. Sa tenue, son port raffiné, son attitude solennelle, son rythme de voix, beaucoup plus que sa particule, le consacraient d’emblée aristocrate.
Il s’est assis face à nous et nous a adressé une petite boutade. J’ai trouvé que son visage était encore plus marqué, plus creusé encore que je ne l’avais remarqué à la télévision… Il me semblait caricatural ou plutôt caricaturé, son visage presque ravagé, tellement marqué par le temps passé, ses yeux enfoncés, ses cheveux si rares, son vocable suranné… Il me paraissait antédiluvien, quasi préhistorique.
L’homme de Neandertal venait de s’assoir à ma table.
Nous avons échangé, mais il avait tant à dire, il connaissait sur le bout des doigts son sujet… nous l’avons surtout écouté. A ce moment-là, comme une révélation, j’ai découvert un homme, à l’esprit vif, à l’intelligence rare, d’une grande érudition. Le moindre de ses mots était pesé, ciselé, son œil malicieux annonçait parfois un trait d’humour subtil, il maîtrisait si bien le thème à l’ordre du jour. Il ne parlait pas, il exposait… et faisait de nous spontanément ses complices.
C’est vrai que Valéry Giscard d’Estaing sait être drôle, mine de rien… c’était lui qui avait déclaré en 2005, lorsque Jacques Chirac avait décidé d’organiser un referendum au sujet du Traité Européen : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »
Il aurait pu nous écraser de sa supériorité, tant il était brillant, mais il restait affable et facilement souriant. Tout chez lui confinait à l’empathie, un maître de conférence en grand séducteur.
Franchement, j’ai été impressionné. Ce jour-là, j’ai appris deux choses : d’abord, que l’on peut avoir l’apparence de l’Homme de Neandertal et être empreint d’une incroyable modernité… Et puis, je me suis dit que désormais, chaque fois que j’aurais à auditionner un expert sur un sujet quel qu’il soit, je m’enfermerais quelques heures dans mon bureau pour travailler et connaitre le mieux possible le dossier. Car, sincèrement, si un jour vous devez auditionner quelqu’un comme Valéry Giscard d’Estaing et que vous n’avez pas eu le temps de vous préparer pour connaitre parfaitement votre dossier, il vaut mieux prétexter que vous êtes malade, si vous ne voulez pas passer pour un âne…
Cette idée que toute sa vie, il faut apprendre pour avancer, m’a rendu encore plus fort.
Louis Giscard d’Estaing est le fils de Valéry, je l’ai souvent croisé à l’Assemblée Nationale. Sa ressemblance physique avec son père est frappante, jusqu’à ses intonations de voix… A cette époque-là, la moindre de vos exclamations dans l’Hémicycle était comptabilisée, comme une intervention dans les comptes rendus de séances. C’était très important, en particulier pour certains députés, à l’heure où des sites d’information populistes tendent à démontrer avec une rigueur arithmétique et sans aucun discernement, la participation, l’implication, la présence des députés.
Je dis « populistes », car chacun sait que l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut, alors qu’ensuite les journalistes, en régions, se font un plaisir gourmand à interpréter ces données et démontrer que tel ou tel élu ne serait pas assidu… Le bashing des élus de la République est devenu un sport national en France…
Mais, il arrive que des élus le cherchent bien, parfois… En effet, à cette époque-là, certains étaient connus dans l’hémicycle pour leur capacité à interrompre l’orateur, pour crier très régulièrement un « ah oui ! » ou « très bien », ou encore « je suis d’accord ! » Et chaque fois, il leur était comptabilisé une intervention ! Ils apparaissaient ainsi comme des députés très actifs, alors qu’ils ne faisaient que de la figuration… Je crois que ce système n’existe plus aujourd’hui à l’Assemblée…
C’était une nuit de l’année 2011, à l’entrée de l’hiver. Louis Giscard d’Estaing, alors Vice-Président de l’Assemblée Nationale, présidait la séance. Aux alentours d’une heure du matin, nous n’étions plus très nombreux dans l’Hémicycle. J’étais malade, fiévreux, pris par une forte grippe. Mais je devais rester, car il me fallait présenter des amendements sur le texte du jour… Sincèrement, je n’étais pas en forme, mes oreilles bourdonnaient, les débats ronronnaient, soporifiques. Et voilà que je suis pris, soudain, d’un éternuement assez fort, qui contrastait avec la torpeur et le vide de l’Hémicycle à pareille heure…
Le Président de la séance, au Perchoir, Louis Giscard d’Estaing, tourne alors lentement et avec solennité la tête vers moi et dit au micro « Monsieur Féron, vous avez demandé la parole ? » Franchement, on aurait cru la voix de son père ! Ou plutôt, l’imitation que Jean Roucas faisait de la voix de Valéry Giscard d’Estaing, dans son émission « le Bêbête-Show » à la télévision !
Je lui répondais alors : « non monsieur le Président, je ne faisais qu’éternuer… »
Eh bien, vous me croirez si vous le voulez, mais le lendemain, dans le compte-rendu de séance, il m’était comptabilisé deux interventions ! Une pour mon éternuement et une pour ma réponse au Président de séance !!!
VGE vient de nous quitter. Il y a quelques mois, j’ai terminé la rédaction d’un roman autobiographique, pour
lequel je viens seulement de commencer à chercher un éditeur. Ce livre s’intitule « Confluences » et relate
plus de 200 grandes rencontres que j’ai faites dans ma vie au parcours atypique. Parmi ces rencontes, il
y eut celle de Valéry Giscard d’Estaing. Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire partager en exclusivité ces
quelques lignes…
 
… Valéry Giscard d’Estaing…
 
J’ai été élu député, la première fois, en juin 2007 et, quelques mois plus tard, je travaillais sur la question du Traité Européen, puisque Nicolas Sarkozy avait décidé de réunir le Congrès à Versailles en février 2008 pour modifier la Constitution et faire ensuite ratifier par l’Assemblée le Traité de Lisbonne (alors même que les français s’étaient prononcés contre (à 55%), lors du référendum de 2005…) C’est ainsi que je me suis retrouvé, député novice, un matin, dans une petite salle de l’Assemblée, avec un collègue lui aussi député, mais plus ancien. Nous étions assistés d’un collaborateur de l’Assemblée, pour auditionner… Valéry Giscard d’Estaing !
Je peux vous dire que c’est impressionnant !
Je me souviens de l’une de mes premières passions amoureuses, je n’avais pas 18 ans. Étendus dans l’herbe, nous contions fleurette, en regardant le ciel et, comme à cet âge-là, on a tendance assez facilement à refaire le monde… Entre autres sujets de conversation, nous avions eu un grand débat sur Valéry Giscard d’Estaing qui venait alors tout juste d’être élu. C’était en 1974.
Et voilà que, beaucoup plus tard, je rencontrais VGE ! C’était mythique pour moi, quasi impossible, irréel ! Lui qui avait été tout puissant, lui qui symbolisait pour moi la rigueur et l’austérité… quand, adolescent rebelle et fragile, je ne respirais que l’utopie, l’abstrait et l’impalpable. J’étais un enfant de demain, alors que pour moi, il n’appartenait déjà qu’au passé. Nous ne vivions pas sur la même planète, ni à la même époque, tout concourait à ce que nous ne dussions jamais nous rencontrer….
Et pourtant… il était bien là et j’étais chargé de le questionner et de l’auditionner !
Il est entré dans la salle, il semblait détendu, bien que sa démarche sur quelques mètres fût définitivement celle d’un chef d’Etat. Même le parquet paraissait s’effacer sous ses pas sentencieux.
Forcément, j’avais un a priori contre lui. Lorsque j’étais jeune, il me semblait déjà vieux, dépassé, hors du temps. Il nous a salués, en nous serrant la main, amicalement. Sa tenue, son port raffiné, son attitude solennelle, son rythme de voix, beaucoup plus que sa particule, le consacraient d’emblée aristocrate.
Il s’est assis face à nous et nous a adressé une petite boutade. J’ai trouvé que son visage était encore plus marqué, plus creusé encore que je ne l’avais remarqué à la télévision… Il me semblait caricatural ou plutôt caricaturé, son visage presque ravagé, tellement marqué par le temps passé, ses yeux enfoncés, ses cheveux si rares, son vocable suranné… Il me paraissait antédiluvien, quasi préhistorique.
L’homme de Neandertal venait de s’assoir à ma table.
Nous avons échangé, mais il avait tant à dire, il connaissait sur le bout des doigts son sujet… nous l’avons surtout écouté. A ce moment-là, comme une révélation, j’ai découvert un homme, à l’esprit vif, à l’intelligence rare, d’une grande érudition. Le moindre de ses mots était pesé, ciselé, son œil malicieux annonçait parfois un trait d’humour subtil, il maîtrisait si bien le thème à l’ordre du jour. Il ne parlait pas, il exposait… et faisait de nous spontanément ses complices.
C’est vrai que Valéry Giscard d’Estaing sait être drôle, mine de rien… c’était lui qui avait déclaré en 2005, lorsque Jacques Chirac avait décidé d’organiser un referendum au sujet du Traité Européen : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »
Il aurait pu nous écraser de sa supériorité, tant il était brillant, mais il restait affable et facilement souriant. Tout chez lui confinait à l’empathie, un maître de conférence en grand séducteur.
Franchement, j’ai été impressionné. Ce jour-là, j’ai appris deux choses : d’abord, que l’on peut avoir l’apparence de l’Homme de Neandertal et être empreint d’une incroyable modernité… Et puis, je me suis dit que désormais, chaque fois que j’aurais à auditionner un expert sur un sujet quel qu’il soit, je m’enfermerais quelques heures dans mon bureau pour travailler et connaitre le mieux possible le dossier. Car, sincèrement, si un jour vous devez auditionner quelqu’un comme Valéry Giscard d’Estaing et que vous n’avez pas eu le temps de vous préparer pour connaitre parfaitement votre dossier, il vaut mieux prétexter que vous êtes malade, si vous ne voulez pas passer pour un âne…
Cette idée que toute sa vie, il faut apprendre pour avancer, m’a rendu encore plus fort.
Louis Giscard d’Estaing est le fils de Valéry, je l’ai souvent croisé à l’Assemblée Nationale. Sa ressemblance physique avec son père est frappante, jusqu’à ses intonations de voix… A cette époque-là, la moindre de vos exclamations dans l’Hémicycle était comptabilisée, comme une intervention dans les comptes rendus de séances. C’était très important, en particulier pour certains députés, à l’heure où des sites d’information populistes tendent à démontrer avec une rigueur arithmétique et sans aucun discernement, la participation, l’implication, la présence des députés.
Je dis « populistes », car chacun sait que l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut, alors qu’ensuite les journalistes, en régions, se font un plaisir gourmand à interpréter ces données et démontrer que tel ou tel élu ne serait pas assidu… Le bashing des élus de la République est devenu un sport national en France…
Mais, il arrive que des élus le cherchent bien, parfois… En effet, à cette époque-là, certains étaient connus dans l’hémicycle pour leur capacité à interrompre l’orateur, pour crier très régulièrement un « ah oui ! » ou « très bien », ou encore « je suis d’accord ! » Et chaque fois, il leur était comptabilisé une intervention ! Ils apparaissaient ainsi comme des députés très actifs, alors qu’ils ne faisaient que de la figuration… Je crois que ce système n’existe plus aujourd’hui à l’Assemblée…
C’était une nuit de l’année 2011, à l’entrée de l’hiver. Louis Giscard d’Estaing, alors Vice-Président de l’Assemblée Nationale, présidait la séance. Aux alentours d’une heure du matin, nous n’étions plus très nombreux dans l’Hémicycle. J’étais malade, fiévreux, pris par une forte grippe. Mais je devais rester, car il me fallait présenter des amendements sur le texte du jour… Sincèrement, je n’étais pas en forme, mes oreilles bourdonnaient, les débats ronronnaient, soporifiques. Et voilà que je suis pris, soudain, d’un éternuement assez fort, qui contrastait avec la torpeur et le vide de l’Hémicycle à pareille heure…
Le Président de la séance, au Perchoir, Louis Giscard d’Estaing, tourne alors lentement et avec solennité la tête vers moi et dit au micro « Monsieur Féron, vous avez demandé la parole ? » Franchement, on aurait cru la voix de son père ! Ou plutôt, l’imitation que Jean Roucas faisait de la voix de Valéry Giscard d’Estaing, dans son émission « le Bêbête-Show » à la télévision !
Je lui répondais alors : « non monsieur le Président, je ne faisais qu’éternuer… »
Eh bien, vous me croirez si vous le voulez, mais le lendemain, dans le compte-rendu de séance, il m’était comptabilisé deux interventions ! Une pour mon éternuement et une pour ma réponse au Président de séance !!!
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