CICE, on attend des réponses

A l'Assemblée Nationale
samedi 23 août 2014 17:26

Le Gouvernement ne peut pas rester muet sur le problème du Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi et ses contreparties, tel qu'il est posé.
Vous trouverez ci-dessous mes deux Questions Ecrites posées au Ministre et aujourd'hui restées sans réponses ! C'est un manque de considération pour les députés inquiétant de la part du Gouvernement que de ne pas répondre sur un sujet aussi important. Vous trouverez aussi les deux articles sur lesquels je m'étais appuyé pour étayer mes Questions Ecrites.

Hervé FERON

1/ Questions Ecrite du 17 juin 2014 sur les licenciements dans les entreprises ayant bénéficié du CICE :

M. Hervé Féron interroge M. le ministre des finances et des comptes publics sur les dérives dans l'utilisation du crédit impôt compétitivité emploi. Créé dans le cadre du collectif budgétaire fin 2012 suite au rapport du Commissaire général à l'investissement Louis Gallois, ce crédit d'impôt bénéficiant aux entreprises vise à diminuer les charges de personnel à travers une réduction de la fiscalité sur le revenu ou sur les sociétés égale à 6 % des rémunérations brutes versées à compter de 2014. L'objectif initial du CICE était le redressement de la compétitivité française en permettant aux entreprises de faire face à la concurrence internationale. Cependant, l'absence de contreparties ou d'obligations à l'égard des bénéficiaires est une source d'abus qui nuit à l'efficacité de ce dispositif ainsi qu'à l'assainissement des finances publiques. Malgré l'aide considérable que représente ce dispositif et qui constituera à terme une perte fiscale de 20 milliards par an pour l'État, plusieurs entreprises ont annoncé ou procédé à des licenciements d'ampleur. Il convient de noter que plusieurs d'entre elles relèvent de secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à la concurrence internationale, avec des emplois non délocalisables, et engrangent chaque année plusieurs millions d'euros de bénéfices. Le CICE est ainsi détourné de son but premier alors qu'il était présenté comme un moyen pour répondre à la dégradation du marché du travail. Il lui demande ainsi les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de réguler cette situation.

L'article de Libération, « Supermarché de dupes chez Auchan », du 31 janvier 2014 :

Le groupe de grande distribution a confirmé vendredi 31 janvier 2014 qu’il allait supprimer 800 postes de cadres, alors même qu’il touche 120 millions d’euros d’aides de l’Etat via le CICE.

Mis côte à côte, les chiffres dérangent. Le groupe Auchan, qui a annoncé 317 millions d’euros de bénéfice net sur les six premiers mois de 2013, a touché quelque 40 millions d’euros d’aides de l’Etat en 2013 au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) - mesure phare du gouvernement pour soutenir les entreprises - et devrait en toucher encore environ 80 cette année. Or il va supprimer 800 postes de cadres et d’agents de maîtrise dans les trois ans à venir. L’annonce a été faite aux syndicats jeudi, en comité central d’entreprise, puis révélée par Liberation.fr avant d’être confirmée par Auchan vendredi.

L’entreprise se défend en annonçant la création de 500 postes d’«employés commerciaux» et détaille, dans un communiqué, un «contexte d’emploi» qui«prévoit, au global», la création de 1 500 postes en France, notamment «dans les Auchan Drive». Le groupe assure aussi qu’il n’y aura pas de licenciements secs, mais des départs ou des mutations «sur la base du volontariat». Problème : ni la CFDT ni FO n’a confiance en ces chiffres. Pas plus sur l’enveloppe globale des 1 500 créations de postes que sur les 500 censés compenser en partie les 800 perdus. «Je ne les crois pas», soupire Guy Laplatine, délégué central CFDT, blasé. «En mars 2012, on nous annonçait 1 600 suppressions de postes, mais 3 200 créations, soit 1 600 créations nettes. Or, dans le bilan social, non seulement je ne les ai pas vues, mais il manque 700 équivalents temps plein !»

«Cadeaux». Ce qui indigne le syndicaliste, c’est que le groupe puisse, en même temps qu’il supprime des effectifs, bénéficier d’aides publiques. «Qu’on donne cet argent à la sidérurgie, pas à Auchan ! Ils font 200 millions à 400 millions d’euros de bénéfice tous les ans. Cette année, ils continuent à faire des bénéfices, probablement autour de 150 millions d’euros. Donc ils gagnent de l’argent et, en plus, l’Etat leur fait des cadeaux en finançant un plan social avec le CICE !» s’étrangle le délégué CFDT. Benoît Boussemart, économiste et auteur de la Richesse des Mulliez, considère, lui, que le gouvernement a fait «une faute» en appliquant le CICE à l’ensemble des secteurs d’activité : «Le CICE a pour but de donner de la compétitivité à des secteurs touchés par une concurrence externe, comme l’industrie. La grande distribution, par définition, n’est pas dans ce cas. Les Chinois ne vendent pas, à partir de la Chine, ces produits de grande distribution. Les distributeurs ont les pieds collés dans la glaise des grandes surfaces. Or, on leur donne un bonus sans que ça joue en quoi que ce soit sur le coût salarial. C’est donc du profit pur. Par ailleurs, c’est le consommateur qui paie, puisque les impôts augmentent.»

Quand on signale au porte-parole d’Auchan le rapport troublant entre les chiffres des bénéfices et ceux du CICE, il tempère : «Il faut bien noter un élément de contexte. Par rapport à 2010, nous avons payé, en 2013, 70 millions d’euros de taxes en plus.»

«Magie Disney». «Je suis à peine surpris, dit Pascal Saeyvoet, délégué syndical central Force ouvrière (FO). L’entreprise conduit depuis 2002 ce qu’elle appelle des plans de transformation, qui sont en fait des suppressions de postes. Ils essaient de le faire passer en disant que les départs sont volontaires et qu’ils seront compensés par des embauches, mais ça, c’est la grande magie Disney Auchan. Ce qu’on constate sur le terrain, c’est qu’il y a de plus en plus de mètres carrés de magasin, pour un effectif à peu près stable. Les gens sont contents d’avoir du travail dans ce contexte de crise, mais ils viennent avec des boulets aux pieds.» Son collègue Guy Laplatine s’inquiète pour l’avenir des cadres : «Ils parlent de mobilité interne, mais pour aller où ? Ils disent qu’il y a un turnover permanent, mais dans mon magasin, à Boulogne-sur-Mer, il y a des cadres qui y ont passé toute leur vie, qui ont tout donné à Auchan. Ils vont y laisser des plumes.» Il assure que, depuis «un an environ», une dizaine ont frappé à sa porte pour lancer des appels au secours. «On va par exemple garder un cadre pour l’entretien de quatre magasins. Les trois autres sont en trop. Alors que jusqu’ici ils étaient bien notés, on va leur trouver de mauvais résultats. Ils nous racontent : "On me dit que je suis nul." Bref, on leur suggère fortement de partir.»

2/ Question Ecrite du 12 août 2014 sur les contreparties du CICE qui piétinent :

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur les contreparties aux baisses de prélèvements accordées aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité, annoncé par le Président de la République le 31 décembre 2013. Selon le magazine hebdomadaire économique français Challenges, en tenant compte du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), les charges et impôts des entreprises seront allégés de 25,5 milliards en 2015 et de plus de 37 milliards en 2017. Cela équivaut à presque sept fois plus que les baisses d'impôts et de cotisations accordées aux ménages (5,5 milliards d'euros à partir de 2015). Selon le directeur de la recherche et des études à Natixis, banque de financement du groupe Banque Populaire-Caisse d'Epargne, c'est la première fois depuis trente ans qu'un Gouvernement réduit autant les prélèvements qui pèsent sur l'offre. En contrepartie, l'accord patronat-syndicat du 5 mars 2014, signé par le Medef, l'UPA, la CGPME d'un côté et la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC de l'autre, prévoyait des négociations dans les branches professionnelles sur les efforts devant être fournis par les entreprises en matière d'investissement, d'emploi, de formation et de qualifications. Or, à l'heure actuelle, selon le Medef, dont les propos sont relayés par l'agence de presse Reuters, ces négociations n'auraient commencé que dans une trentaine de branches représentant moins de huit millions de salariés. En outre, une seule branche serait parvenue à ce jour à un accord : l'Union des industries chimiques (UIC), qui s'est engagée en juillet sur l'embauche de 47 000 salariés pendant les années 2015-2017 et sur la formation en alternance de 5 000 jeunes par an pendant la même période. Dans les autres branches (la banque, le bâtiment et les travaux publics, les industries de l'électricité et du gaz, le commerce et la distribution, les transports, les industries du papier, du carton, etc.), le Medef fait seulement état de premières discussions "de méthode". Il souhaite donc connaître les moyens que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour inciter les entreprises bénéficiant du CICE et des allègements de cotisation à fournir de nouveaux efforts d'investissement, d'embauche ou de formation.

L'article d'Emmanuel Jarry, Reuters, "Les contreparties au pacte de responsabilité piétinent", 7 août 2014 :

Les contreparties aux baisses de prélèvements accordées aux entreprises tardent à se dessiner, six mois après le lancement du pacte de responsabilité par François Hollande et quatre mois après un accord patronat-syndicats sur sa mise en oeuvre.

Le ministre du Travail, François Rebsamen, réunira à la rentrée les organisations patronales et syndicales des 50 principales branches pour faire le point. Selon la CFDT, ce rendez-vous est prévu le 10 septembre.

Le chef de l'Etat et le gouvernement ont promis aux entreprises 41 milliards d'euros de baisses de charges et d'impôts sur trois ans afin d'améliorer leur compétitivité et leur redonner des marges pour investir et créer des emplois.

L'accord patronat-syndicat du 5 mars, signé par les seules CFDT et CFTC du côté syndical, prévoit des négociations dans les branches professionnelles sur ces contreparties en matière d'investissement, d'emploi, de formation et de qualifications.

A ce jour, ces négociations n'ont commencé que dans une trentaine de branches représentant moins de huit millions de salariés, selon un décompte du Medef, dans beaucoup moins, selon la CFDT. Et une seule a conclu à ce jour un accord.

L'Union des industries chimiques (UIC) s'est engagée en juillet sur l'embauche de 47.000 salariés pendant les années 2015-2017 et la formation en alternance de 5.000 jeunes par an pendant la même période.

La CGT a qualifié de "supercherie" cet accord signé par la CFDT et la CFTC, en faisant valoir que les embauches promises correspondent au rythme actuel de recrutement de la branche.

EFFET D'AUBAINE?

Dans la métallurgie, patronat et syndicats se sont entendus sur un programme de travail mais tout reste à faire et la suite des discussions a été reportée à la rentrée.

En réalité, explique une porte-parole de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), il n'y a pas dans cette branche de négociations spécifiques mais la prise en compte du pacte dans le cadre de négociations régulières.

C'est le cas notamment de discussions sur la formation professionnelle qui reprendront en septembre dans cette branche avec pour objectif un accord fin octobre-début novembre.

Ailleurs, les choses sont souvent beaucoup plus floues. Le Medef fait ainsi état de premières discussions "de méthode" dans la banque, le bâtiment et les travaux publics, les industries de l'électricité et du gaz, le commerce et la distribution, les transports, les industries du papier et du carton, etc.

La CFE-CGC dénonce dans la banque une absence de volonté de "négocier réellement le contenu et les contreparties" du pacte et déplore un "effet d'aubaine".

Selon le syndicat de l'encadrement, l'essentiel des bénéfices du crédit d'impôt compétitivité-emploi (Cice), un des volets du pacte de responsabilité, est formellement affecté dans cette branche à des projets déjà "largement engagés" et non à de nouveaux efforts d'investissement, d'embauche ou de formation.

TROP TÔT POUR APPRÉCIER

Sur 50 branches suivies par la CFDT, "quasiment 50% n'ont rien engagé, soit par inertie, soit parce qu'elles sont peu outillées pour le faire, soit par choix délibéré pour des considérations économiques, comme la pharmacie, le pétrole ou l'hospitalisation privée", explique pour sa part à Reuters Marylise Léon, membre de la direction nationale de ce syndicat.

"Seulement 10% des branches ont engagé une démarche initiée par le relevé de conclusions du 5 mars de façon volontariste", poursuit-elle. Parmi ces branches, on retrouve la chimie, la métallurgie mais également la publicité.

Et pour 37% des 50 branches suivies par la CFDT, il est trop tôt pour apprécier si les premiers contacts annoncés relèvent du simple affichage ou auront un prolongement dans des négociations réelles, ajoute Marylise Léon.

Elle cite dans ce cas le travail temporaire, les entreprises de propreté, le textile, la restauration rapide, la téléphonie, le caoutchouc ou l'eau.

Le ministère du Travail fait à peu près le même constat, avec des contacts engagés dans la moitié des 50 principales branches représentant plus de 75% des salariés, dont une dizaine où l'on peut parler de véritables discussions.

Il n'a en revanche encore "rien identifié" dans l'autre moitié, précise-t-on de source proche du ministre.

"Objectivement, nous n'attendions pas d'accord avant l'été", ajoute-t-on de même source. "C'est à la fin de l'année que nous verrons s'il s'est passé quelque chose."