On a pu s’étonner de lire récemment un article dans la presse locale dans lequel le Pont de Tomblaine était dénommé « Pont de la rue de Tomblaine », comme si ce pont était situé à Nancy (où il y a une rue de Tomblaine)… On ne sait pas d’où cette appellation a pu venir ?
Il est très important d’apporter les précisions suivantes, parce que progressivement la légitimité des élus de Tomblaine est ainsi remise en cause sur leur territoire…
Et sur ce pont, il faudra être vigilant, quand les techniciens de la Métropole pensent à l’interdire à la circulation automobile pour que le BHNS soit « en site propre » en traversée du boulevard Jean Jaurès et du Pont de Tomblaine, alors que les élus et la population de Tomblaine y sont opposés, parce qu’ils connaissent les usages et la vie des habitants.
Les exemples sont fréquents.
– On a pu lire aussi récemment que la Plage des deux Rives serait située à Nancy, alors que, sur les 40 000m2, 32 000 m2 sont sur Tomblaine…
– L’aérodrome situé à 98% sur Tomblaine est appelé « aérodrome de Nancy-Essey »… Comme si Tomblaine était un gros mot. Avec André Rossinot, on avait réussi à s’entendre pour appeler le site « aéropôle de Nancy-Tomblaine », un panneau avait même été installé en entrée du site, mais étrangement, au début de ce mandat le panneau a été déposé…
Et, dans le même temps, on se souvient de ce drame survenu il y a quelques mois à St Max, quand un jeune homme a été assassiné. Il n’habitait pas Tomblaine non plus, mais pendant une semaine, à la Une du journal, « le meurtre de Tomblaine » était rappelé chaque jour… C’est dommageable pour l’image de notre ville, quand tant d’efforts ont été faits pour valoriser Tomblaine et améliorer la vie des habitants…
Et puis, cela permet impunément à la Préfète de prendre des décisions autoritaires sur notre territoire, avec le plus grand mépris pour les élus locaux, décisions qui portent lourdement préjudice au développement de notre ville.
Pour ce qui concerne le pont, la limite d’agglomération se situe au milieu du pont, les panneaux, eux, ont été posés en 1992, dans le cadre du plan de jalonnement, c’est le Ville de Tomblaine qui a été Maître d’Ouvrage de ce plan de jalonnement (délibération du Conseil Municipal du 15 mai 1992). On peut remarquer d’ailleurs qu’avant le pont côté Nancy, il y a un panneau qui indique l’entrée dans Tomblaine… Et puis sur la carte postale ci-jointe, qui date du début du XXe siècle, il est indiqué « Tomblaine – le Pont et perspective du village »
On comprend d’autant moins cette « erreur de dénomination »…
L’histoire est très importante, parce que longtemps Tomblaine était coupée de Nancy, naturellement par la Meurthe. Au temps du bac (on payait un droit de passage), puis au temps du pont jusqu’en 1896, on payait l’octroi… Et que ce soit au temps du bac, avec droit de passage ou au temps de l’octroi, cette « taxe » pour traverser la rivière sur une année, équivalait à deux mois d’un bon salaire d’ouvrier ! Il en coûtait pour un passage pour une personne 0,10 à 0,15 frs. Pour une charrette : 1,60 frs. Un salaire annuel, à l’époque, pour un mineur de fond en fin de carrière était de 180 frs, la traversée correspondait à près de deux mois de salaire d’un mineur !
N’allaient donc à Nancy que les personnes, assez rares, qui y avaient un bon emploi. Les autres travaillaient dans les quelques entreprises tomblainoises et l’activité de maraîchage étaient particulièrement développée…Tomblaine était donc structurellement isolée.
Au 18ème siècle, Tomblaine était déjà la poubelle de Nancy, l’expression n’est pas exagérée… La Ville de Nancy venait régulièrement déverser ses boues … à Tomblaine !
Sauf que, si les boues aujourd’hui sont polluantes, à l’époque, elles étaient fertilisantes. Dans son malheur, Tomblaine a alors pu voir se développer l’activité maraîchère sur une grande partie de son territoire, grâce à ces boues fertilisantes. Ainsi, le quartier « Marenchène » porte ce nom, parce que l’étymologie de Marenchène » est « maréchage » …
Cette histoire est importante, parce qu’on comprend là pourquoi la population de Tomblaine était pauvre. Et, quand par la suite, la Communauté Urbaine du Grand Nancy, devenue Métropole, et l’Etat ont empêché pendant des décennies le développement de Tomblaine sur un tiers de sa superficie (dont la Plaine Flageul), et que sur le reste du territoire, les mêmes y ont implanté des infrastructures qui ne sont pas assujetties à imposition, ils ont organisé structurellement la précarité financière de la Ville de Tomblaine en la privant de recettes fiscales tout en spéculant sur son foncier.
Tomblaine résiste donc et le Pont de Tomblaine en a été le témoin… Les vieux de Tomblaine racontent qu’en 1936, le Pont de Tomblaine a été tout rouge… Ils disent que « les Tomblaine » ont un jour décidé d’aller à Nancy pour bouger un peu les bourgeois du centre-ville qui ne se mobilisaient pas beaucoup pour soutenir cet énorme mouvement social de 1936… Alors, par centaines, les tomblainois ont traversé le Pont, avec leurs drapeaux rouges…
Voilà pourquoi, le Pont de Tomblaine est un symbole …
Les gens étaient donc pauvres. Et il ne faut pas s’étonner, par conséquent, si la municipalité de Tomblaine a été de gauche sans interruption depuis… 1929 ! Pas de cette gauche que l’on connait aujourd’hui en France, en perte d’identité et de solidarité, en rupture avec le peuple et le monde ouvrier, en perpétuelle recherche d’alliances ou de compromissions pour sauver sa peau. Non, une vraie gauche, de progrès social, proche des habitants, une gauche pragmatique et constructive au service des valeurs de la République.
Sans interruption ? Sauf sous Pétain, pendant quelques mois, quand c’était le Gouvernement de Vichy qui désignait autoritairement ceux qui géraient la ville… On célèbrera bientôt le centenaire de cette gestion de gauche à Tomblaine. On a malheureusement failli connaître une autre triste parenthèse après Vichy… Si la Préfète avait dû nommer un administrateur pour me remplacer… On a échappé à ça.
Alors le Pont de Tomblaine ?
Depuis 1540 environ, un bac assurait la traversée de Tomblaine à Nancy. Au début du XIXe siècle, il franchissait la rivière, en amont d’une baignade fort prisée des nancéiens (les Bains Poirel, dont je vous ai déjà parlé). Il y avait peu de ponts sur la Meurthe, le Baron Buquet qui deviendra Maire de Nancy sous le second Empire et Sénateur de la Meurthe, entreprit à ses frais la construction du Pont de Tomblaine. Les travaux commencèrent le 1er février 1842 et s’achèvérent le 6 septembre 42. Ce pont en pierre de 12,70 m de long et composé de cinq arches fut construit.
Les travaux furent conduits par A-F Solet, entrepreneur à Nancy et les ingénieurs J. Jaquiné et Charles Duhoux.
Le Pont était donc de propriété privée et sur le territoire de la ville de Tomblaine, c’est pourquoi l’appellation d’usage a toujours prévalu sur toute autre hypothèse : tout le monde appelle ce pont « Le Pont de Tomblaine ».
Le Pont a été ouvert en octobre 1842 et sera à péage jusqu’en 1896, date à laquelle il est racheté par la ville de Nancy.
En créant ce lien avec Nancy, le baron Buquet réalisait ainsi le souhait du seigneur de Tomblaine Cerf Beer. Cerf Beer, de son vrai nom Hirtz de Medelsheim (1726-1793), homme politique et philanthrope, était un personnage important de la communauté juive alsacienne. Préposé de la Nation Juive, il a été un des grands acteurs de l’émancipation des Juifs de France. Sa forte personnalité a fait qu’il a inspiré Balzac pour son personnage de la Comédie Humaine : le Baron d’Aldrigger ! La première et la troisième femme de Léon Blum descendaient de Cerf Beer…
Cerf Beer fit construire en 1785 le château de Tomblaine et sa ferme encore en activité aujourd’hui en cœur de ville (le château et la ferme abritèrent plus tard l’école d’agriculture, qui partit en 1953 s’installer à Malzéville Pixérécourt). Puis Cerf Beer les revendit au maréchal Molitor.
Le Maréchal d’Empire Molitor fut d’abord élu au Conseil Municipal de Tomblaine, puis Conseiller Municipal de Nancy.
Mais le baron Buquet n’était pas particulièrement philanthrope et ce n’était pas un cadeau qu’il faisait là à la population, puisque cette taxe, l’octroi de Tomblaine, lui est tout de même revenue de 1842 à 1896.
Cette petite pièce qui permettait de franchir le pont enjambant la Meurthe entre Nancy et Tomblaine, portait les initiales M et B, pour Marie Buquet, fille du baron Buquet, qui avait posé la première pierre du pont le 2 juillet 1842 et qui fut considérée comme « la marraine du pont ».
Hervé Féron.