Après 22 jours de conflit d’une violence sans égal entre Israël et la Palestine, on compte plus de 1200 morts du côté palestinien – dont au moins 239 enfants selon l’ONU – et 53 du côté israélien. On peut aussi compter sur une France hésitante qui, finalement, ne prend aucune décision. Pourtant, les occasions ne manquent pas de faire preuve de courage diplomatique. Car c’est bien de politique qu’il s’agit.

Quand, en tant que Député-Maire, je prends position et exprime mon soutien à l’endroit du peuple palestinien, certains extrémistes m’accusent d’être trop ductile, tandis que d’autres extrémistes me soupçonnent de faire preuve d’antisémitisme. Ceux qui savent que ma lecture des événements est profane, et donc politique, savent qu’il n’en est rien et que seuls m’importent le respect des Droits de l’Homme et l’épanouissement des peuples dans toutes leurs différences culturelles, sociales et politiques.

Le cessez-le-feu durable parait être aujourd’hui la seule issue favorable envisageable. Il sera pourtant chèrement acquis. Toutes les forces doivent être concentrées pour y parvenir, et la France, au sein de la communauté internationale, a son rôle à jouer. Qu’attendons-nous pour juger les faits, pour se départir d’une alliance atlantique qui par sa partialité conduit à l’aveuglement ? Qu’attendons-nous pour réveiller l’Union Européenne, voulue comme un vecteur de progrès et aujourd’hui vouée à l’immobilisme diplomatique ?

L’indignation suite aux opérations militaires menées à Gaza a fait place mercredi 23 juillet à la consternation à l’occasion du vote du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. La diplomatie internationale, y compris la France, est bien discrète depuis la reprise des hostilités et ne semble que peu intéressée au sort des civils palestiniens qui subissent de plein fouet ces attaques. Alors qu’elle avait l’occasion d’infléchir sa position et de faire preuve d’une attitude équilibrée et responsable, elle n’a malheureusement pas saisi cette opportunité.

Le Conseil des Droits de l’Homme statuait sur la création d’une mission d’enquête relative aux violations du droit international humanitaire afin de récolter des preuves des crimes de guerre perpétrés à Gaza et d’identifier les responsables en vue de leur renvoi devant le Tribunal Pénal International. Si la résolution proposée a été adoptée par 29 voix sur 47, on ne peut que se désoler de l’attitude affligeante des Occidentaux lors de ce vote. La France n’est pas exempte de reproches puisqu’elle s’est abstenue, dans la continuité de sa position bienveillante à l’égard d’Israël. Ce choix est d’autant plus regrettable que la résolution visait autant les actes d’Israël que ceux du Hamas.

A la question de savoir si des crimes de guerre ont été (sont) perpétrés à Gaza, la réponse est évidemment oui. Comment qualifier autrement les roquettes lancées dans le mépris le plus total de la population israélienne, les attaques qui ont déjà coûté la vie à plus de 1200 Palestiniens, ainsi que les armes utilisées par Israël comme des « bombes à fléchettes » ou des missiles au napalm en totale violation des conventions internationales ? De tels actes doivent être condamnés avec la plus grande fermeté et leurs auteurs doivent en répondre devant les juridictions compétentes.

Les Occidentaux ont envoyé un message désastreux d’impunité et de laissez-faire, en contradiction avec les principes régissant nos sociétés et les valeurs qu’ils défendent à travers le monde, alors qu’une réaction unanime de la communauté internationale est indispensable pour stopper ce massacre et relancer le processus de Paix.

« Tous ces morts et ces civils mutilés devraient peser très lourd sur nos consciences. Je sais qu’ils pèsent lourd sur la mienne », affirme la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi PILLAY. Sur la mienne aussi. Il ne semble pas qu’il en aille ainsi chez l’ensemble des responsables politiques français. Au delà de son discours très personnel, Navi PILLAY a dénoncé les éventuels manquements aux droits de l’Homme commis par Israël et le mouvement islamiste Hamas : « Il y a une forte possibilité pour que le droit international humanitaire ait été violé, d’une manière qui pourrait constituer des crimes de guerre ».

Pour autant, la France a justifié cette abstention par « le respect de l’unité européenne ». Unité n’est pas synonyme d’uniformisation ou de censure. L’Europe est riche de sa diversité, à quoi bon si celle-ci ne peut s’exprimer. C’est la place même de l’Union Européenne sur la scène internationale qui pose question si elle est incapable de s’affirmer sans le consensus des 27 Etats membres, déjà difficile à réunir sur des sujets moins sensibles, mais qu’en plus elle leur retire indirectement toute liberté d’expression, et l’utilité même du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

La réalité est tout autre, comme beaucoup de ses alliés, la France s’est contentée de défendre les intérêts économiques qu’elle a en Israël et non les Droits de l’Homme. Rappelons que de nombreuses entreprises œuvrent dans les territoires occupés parmi lesquelles des poids lourds français comme France Télécom, Oberthur Technologies ou encore Veolia et Alstom qui, en construisant un tramway reliant le centre de Jérusalem aux colonies contribuent à leur légitimation et à leur enracinement dans le paysage israélien. Dans le mépris le plus total du droit international et des résolutions de 1967.

Je reste convaincu que le camp de la France doit être celui de la Paix, du respect des Droits de l’Homme et du droit international. Lorsque je pense aux égarements de la France, je me dis qu’il s’agit là d’un détour supplémentaire à la tradition historique de notre « Pays des Droits de l’Homme », et me peux m’empêcher de dresser le parallèle avec notre position sur le Sahara occidental. Par deux fois, et sous deux gouvernements de couleur politique différente, la France a mis son véto lorsqu’il s’est agi de voter l’élargissement des compétences de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) à la protection et au respect des Droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc – qui a fait érigé, selon les desseins d’un conseiller israélien du Roi du Maroc un « Mur de la honte » de 2740 km.

Une autre forme de colonisation et de privation de liberté face à laquelle la France préfère l’attentisme alors que tout un peuple fait face à la répression sauvage, à la torture, à la détention arbitraire, aux parodies de procès, aux disparitions forcées et aux exécutions extrajudiciaires. Là aussi, les violations quotidiennes sont signalées par plusieurs organisations locales et internationales, ainsi que par plusieurs institutions telles que le Parlement européen, le département d’Etat américain et le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.

Mais revenons-en au texte ainsi adopté le 23 juillet dernier, sans le vote de la France : il condamne « les violations généralisées, systématiques et flagrantes des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales » et demande par ailleurs de placer les Palestiniens sous « protection internationale immédiate ». Une lueur d’espoir.

Je me sens honteux que nous ayons manqué à nos responsabilités et j’appelle le Gouvernement à choisir la voie du courage politique.

 

Hervé FERON

Député de Meurthe-et-Moselle