Billet de Jean Mirguet pour cette nouvelle année

Je ne résiste pas à l’occasion de cette nouvelle année au plaisir de vous communiquer ce texte de Jean Mirguet. Si seulement tout cela pouvait nous faire progresser collectivement pour 2014.

Hervé FERON

 

 

Bien-dire

Publié le 31 Décembre 2013 par Jean Mirguet in Langage

J’éprouve depuis quelque temps un malaise persistant lié à la façon dont les medias nous abreuvent, jusqu’à la nausée parfois, d’informations et de commentaires visant moins à éclairer et parfaire notre compréhension du Monde qu’à nous faire jouir du Spectaculaire de l’instant.

Cette information omniprésente, en continu déroule les faits, sans souci de hiérarchisation : tout se vaut, tout est mis sur un même plan, que ce soit Dieudonné et son antisémitisme, la quenelle de Hanelka, l’accident de ski de Schumacher et la vraie fausse baisse du taux de chômage. Comme l’indique Richard Millet (Arguments d’un désespoir contemporain, Hermann éditeurs, 2013), l’information qui nous est présentée comme du présent authentique donne pour vérité ce qui relève du non-événementiel et du factuel. L’information s’inscrit sur le plan de l’horizontalité.

Cette mise en forme du réel fait entendre une apparence voire un simulacre de vérité puisque l’important vise moins l’événement que le sensationnel et le théâtral ou la fabrication du buzz, représentation journalistique du réel.

Il est remarquable d’observer que le Spectaculaire, pour accomplir sa tâche d’hystérisation et de fascisation, fait de plus en plus usage d’un procédé qui envahit nombre d’émissions de radio ou de télé, qu’elles soient d’information ou de divertissement. Celui-ci consiste à s’attacher les services de chroniqueurs humoristes ou se prétendant tels puisque, pour la grande majorité d’entre eux, les blagues balourdes, la vulgarité le disputent aux plaisanteries en-dessous de la ceinture. Puisqu’il faut rire de tout, tout est bon pour provoquer la grosse rigolade, en particulier un usage immodéré de propos transgressifs dont la charge humoristique sera mesurée à l’aune de son poids de grossièretés et d’obscénités.

On voit ainsi se développer une nouvelle forme d’humour, un nouveau standard de l’humour : l’humour pornographique caractéristique d’un pervertissement du langage, fait de « lambeaux, onomatopées, argot, cris, râles, pépiements, tout le remugle sonore de sociétés qui ne savent plus nommer et où la langue n’est plus donnée en naissant, mais en quelque sorte interdite, dénaturée, abandonnée aux publicitaires, aux journalistes, aux esclaves, à l’air du temps » (cf. Richard Millet, cité plus haut).

Cette forme d’expression publique du verbe sonne le glas de la responsabilité à l’endroit du langage, celle qui devrait animer les pratiquants de la parole publique, peu préoccupés par une éthique du bien-dire.

Dans ce contexte, il me semble que la prolifération de propos homophobes, racistes, antisémites répandus par ceux qui se complaisent à prendre la posture de l’hérétique ou du cynique, obéit à une logique analogue à celle des commentateurs de bistrot qui, à longueur de radio, de télé ne cessent de pratiquer le bashing, cette forme de lynchage consistant à dénigrer une personne ou un sujet.

Ces pratiques langagières opèrent un renversement : l’amour de la langue, notion de plus en plus ringarde aujourd’hui, s’y voit détrôné par l’expression spontanée de la parole, « sans entrave, authentique, bref, démocratique », comme l’énonce Richard Millet. Le «racisme décomplexé » en est un de ses produits.

A l’envers de ces usages débectants, la poésie invite à un rapport à la langue bien différent, autrement civilisé, traversé par le goût, cette qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités, comme le définissait Lautréamont.

Il en va ainsi du haïku, « bel exercice de déconditionnement des scléroses de la désignation qui font de la langue un vaste système de lieux communs » (Hubert Haddad, Le nouveau magasin d’écriture, Zulma, 2006).

La nouvelle année approchant, je vous propose de goûter la délicatesse de ce tercet raffiné, écrit par le poète japonais Issa :

Par le trou du mur

Le ciel du nouvel an

Est aussi beau

 

 

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