Benoît Hamon n’a pas attendu d’être au second tour de l’élection primaire de gauche pour voir son revenu universel d’existence vilipendé. La mesure a été attaquée de toute part lors des débats d’avant-premier tour, et Manuel Valls en a clairement fait l’un des points clés de l’affrontement d’entre-deux-tours.

Lundi, deux sites, le Point et l’Express, reprenaient une dépêche de l'AFP pour estimer que «plus de 60% des Français se montrent hostiles à cette mesure phare du programme de Benoît Hamon» (l’Express) et que, «selon un sondage, 61% des Français sont défavorables à ce qui représente l’une des mesures phares de Benoît Hamon» (le Point).

Ce que manquent de préciser ces deux médias (et l'AFP), c’est que la proposition de Benoît Hamon ne correspond pas à la question posée par le sondage Harris Interactive commandé par LCP cité : les personnes interrogées devaient, en effet, dire à quel point elles étaient favorables (ou non) au fait d’«instaurer un revenu universel de base, qui serait versé à tous les Français de la naissance à la mort».

Or, le revenu universel d’existence de Benoît Hamon n’a jamais concerné les mineurs, même si son champ d’application doit être progressivement élargi (d’un RSA étendu à tous les 18-25 ans, dans un premier temps, à une allocation pour tous les Français de plus de 18 ans, au terme du processus). Il doit être «versé toute la vie de 18 ans jusqu’à la mort», selon un document de la campagne du candidat.

C'est donc le sondeur, Harris Interactive, qui brouille les pistes en posant une question qui n'est pas celle du débat actuel. Loin de mesurer l’adhésion des Français à la proposition précise du député des Yvelines, il montre qu’ils ne sont pas très chauds pour verser un revenu de base à tout le monde, y compris aux enfants (et à leur capricieux neveu qui vient de souffler ses 4 bougies).

Hervé Féron, député de Meurthe-et-Moselle et proche de longue date de Benoît Hamon, explique à Désintox : «[Il] n’a jamais proposé de revenu à la naissance pour la simple et bonne raison que ce serait absurde et inconscient. Il s’agit bien évidemment d’un revenu à partir de 18 ans, pour les personnes majeures. La question du sondage a donc été mal posée et le résultat n’a rien d’étonnant.»

En France, seuls les écolos (Yannick Jadot, le candidat désigné par la primaire EE-LV, et son adversaire malheureuse Michèle Rivasi) et le député LR des Français de l’étranger Frédéric Lefebvre proposent un tel revenu dès la naissance, avec un montant souvent moins important avant 18 ans qu’après. C’est donc leur idée qu’Harris pourrait avoir testée, si on tient absolument à faire le lien avec un homme ou un mouvement politique.

En matière d’enquête d’opinion, la formulation de la question joue un rôle prépondérant, comme ici concernant l’expulsion de Roms, ou en matière de durée du travail. Comment savoir quelle proportion des sondés approuve aujourd’hui l’idée d’un revenu universel à partir de 18 ans, comme le propose Benoît Hamon ? Ce sondage ne le permet pas. Et les précédents sont fluctuants. En novembre, avant les débats de la primaire, les Français voyaient le revenu universel d’un mauvais œil. Quelques mois plus tôt, en mai, ils l’approuvaient à une légère majorité.

Valentin Graff