La bourde de Martine Aubry.


Et l’on reparle de stades, à Lille, mais aussi à Tomblaine pour le stade Marcel Picot. Même si les journalistes de l’Est Républicain continuent chaque jour à situer le stade Marcel Picot à Nancy, il est bien à Tomblaine. Mais la rédaction sportive de ce journal, après avoir fait une campagne scandaleuse pendant deux ans pour tenter de persuader l’opinion publique de la pertinence du projet Grand Stade à Tomblaine, a continué, après la décision d’abandon du projet par le Président de la Communauté urbaine du Grand Nancy, à faire pression quotidiennement.

Le journaliste sportif qui m’avait interviewé à l’époque pendant plus de deux heures semblait en profond désaccord avec ce que je pensais. C’est pour cela qu’il n’a jamais écrit une ligne sur tous les arguments que je lui avais développés. Il est vrai que lorsque je lui ai expliqué que le projet de Grand Stade à Tomblaine était scandaleux parce qu’il s’agissait de petits arrangements entre amis, et que l’on faisait croire au public qu’il s’agirait d’un investissement privé, alors que la réalité était tout autre ; lorsque je lui ai dit que ce projet serait payé très largement avec l’argent public et que cela aurait une incidence considérable sur l’augmentation des impôts des Grands Nancéiens, ce journaliste m’avait répondu que cela ne le concernait pas, puisqu’il habitait à Neufchâteau dans les Vosges…

Mais la mascarade a continué, avec le retour de Jacques Rousselot au printemps 2012, qui annonce, toujours dans le même journal, qu’il va acheter le stade Marcel Picot… Quelques jours après, Michel Dufraisse dit dans le même journal, mais dans un tout petit entrefilet, que cela n’a pas encore été discuté. Quelques jours plus tard, il est même question de financements qataris ! Qui peut croire que les Qataris vont s’intéresser au club de Nancy, quand on voit leur investissement au PSG… et la réussite qui en découle !





Alors récemment, à l’occasion du match de football Lille-Nancy et de l’inauguration du Grand Stade de Lille, la rédaction sportive toujours du même journal a quotidiennement regretté que Nancy n’ait pas un même stade que Lille. Il nous faut d’abord comparer le potentiel public des deux agglomérations. Considérez par exemple que Nancy a une moyenne de 9.000 abonnés qui ne fréquentent pas systématiquement le stade, et que le stade Marcel Picot de 20.000 places n’est jamais plein.

A Lille, qui comptait 14.500 abonnés la saison dernière, on est passé à 30.000 abonnés pour un Grand Stade de 50.000 places. Le club de Lille est allé jouer pour un match de barrage de la Ligue des Champions à Copenhague, où Lille a perdu 1 à 0. Dans ce stade de 35.000 places, alors que l’on peut penser que Copenhague a un potentiel public important, il y avait moins de 20.000 spectateurs présents pour un match de cette importance.

Revenons au Grand Stade de Lille. Le coût estimé de la conception et de la construction est de 282 M€ (parkings compris), auxquels s’ajoutent 42 M€ pour un programme immobilier d’accompagnement. On arrive donc à 324 M€, sans parler pour l’instant des dépassements de coût. Martine Aubry s’est donc engagée dans un Partenariat Public-Privé (PPP). Le principe est très favorable au privé et lèse complètement les contribuables du Nord Pas-de-Calais. En effet, Lille Métropole et la région Nord Pas-de-Calais apportent 44% de la dépense, et ensuite, Lille Métropole versera 7,5 M€ par an pendant 31 ans pour rembourser la construction. Ce qui nous fera 232,5 M€ en plus des 44% d’apport initial !... Vous trouverez en dessous de cet article un extrait d’un article du journal Le Monde d’avril 2010, dans lequel on parle de PPP (d’ailleurs, je ne serai pas surpris qu’un jour on reparle du bilan financier des Jeux Olympiques de Londres investissement public/investissement privé/bilan économique).

En conclusion, je dirai que quelques journalistes sportifs nancéiens montrent Lille en exemple car ils ne sont pas du tout concernés par le niveau d’imposition des Grands Nancéiens, et qu’ils sont prêts à défendre pour cela n’importe quelle folie. Il y a à Lille un très bon club de football, mais on le voit avec le départ d’Eden Hazard, un seul joueur de football vous manque, et tout peut rapidement être dépeuplé… Dans une situation de crise économique telle que celle vécue par la France, n’est-ce pas une grave erreur que d’endetter autant une collectivité et de mettre autant d’argent public dans une telle infrastructure ?

Le football est un jeu, où l’on peut gagner à tout moment et perdre à tout moment. La politique, l’économie publique, ne sont pas de l’ordre du jeu mais de la responsabilité. Regardez la désescalade de Grenoble qui avait investi dans un stade lorsque ce club était monté en Ligue 1, regardez la situation du FC Metz aujourd’hui en National, ou du Racing Club de Strasbourg jusqu’en CFA.

Pour votre information, la Chambre Régionale des Comptes estime que la dette de Lille Métropole devrait atteindre 1,55 milliard d’euros fin 2012, ce qui est colossal… Je considère comme de nombreux observateurs que Martine Aubry a réalisé là une superbe bourde, peut-être pour se faire un peu de publicité personnelle…

Grâce à notre pression, la CU du Grand Nancy, elle-même beaucoup trop endettée, a fini par ne pas commettre la même erreur. 

Régulièrement, je lis dans ce même journal que Monsieur Rousselot finance souvent de sa poche l’ASNL. C’est peut-être vrai, mais on oublie de rappeler l’ensemble des moyens de la Communauté urbaine du Grand Nancy, financiers, matériels, humains, dont bénéficient l’AS Nancy-Lorraine, et personnellement Monsieur Rousselot, et cela mérite toujours d’être regardé de plus près. 

En tant que maire de Tomblaine, je ne suis pas opposé à ce que le stade Marcel Picot soit vendu à un privé. Encore faudrait-il que le maire de la commune concernée soit concerté sur ce projet, qu’il ait connaissance de tous les éléments du dossier, et que l’on ne reparte pas ainsi dans de petites tractations entre amis.



Article publié sur lemonde.fr, le 27 avril 2010 :


L'endettement caché de la France, par Denis Dessus


Les gouvernements Thatcher et Blair ont créé et développé les PPP-PFI (partenariat public-privé-initiative financière privée), contrats uniques rassemblant conception, construction, entretien, maintenance et gestion d'un équipement public (hôpital, prison, etc.), financé par le groupement privé attributaire du contrat, et payé par l'Etat ou la collectivité sous forme de loyer. Les règles de la comptabilité publique ont été adaptées pour que le montant du marché, passé sur des longues durées de quinze à trente ans, n'apparaisse pas en investissement, masquant ainsi la dette, pourtant bien réelle, mais uniquement en fonctionnement, à hauteur du loyer !

Pour respecter les contraintes de Maastricht sur l'endettement, les autres Etats, poussés par les puissants lobbies du BTP et de la finance, utilisent également ces procédures "innovantes". Nicolas Sarkozy veut les développer, Martine Aubry vient de doubler l'endettement de la communauté urbaine de Lille de 1 à 1,9 milliard d'euros avec le PPP du Grand Stade de Lille, Christine Lagarde s'est félicitée de l'accélération du nombre de PPP et espère voir prospérer ce mode de passation de marchés. Tous oublient que c'est une procédure de stricte exception car le Conseil constitutionnel en a, par deux fois, limité l'usage à cause des risques constitutionnels d'atteinte aux bons usages des deniers publics et à l'égalité devant la commande publique.

Cette procédure est très onéreuse en raison de la limitation drastique de la concurrence de milliers d'entreprises à 3 ou 4 majors, toujours les mêmes, qui se partagent les marchés, avec des risques réels d'entente et de collusion. Les artisans et PME, privés de l'accès à la commande, sont, au mieux, soumis à une sous-traitance sauvage. Le coût de l'emprunt privé est nécessairement plus élevé que s'il était contracté par une collectivité publique. Les seuls frais de procédure pour mettre au point des contrats aussi complexes dépassent pour certains marchés le million d'euros. Les marges du groupement privé sont considérables, engendrées par la construction de l'ouvrage, son fonctionnement et sa maintenance ainsi que les plus-values liées aux modifications de l'ouvrage sur une très longue période.

A cela s'ajoutent des risques qualitatifs évidents et constatés dans les PFI anglais et confirmés dans les premiers exemples français : en annexant, pour les opérations de bâtiment et d'aménagement urbain, l'architecte et son équipe à l'entreprise, le rôle de la maîtrise d'œuvre est perverti. Elle ne travaille plus pour faire le meilleur projet et l'obtenir aux meilleures conditions pour le maître d'ouvrage public, elle va au contraire aider le groupement privé maître d'ouvrage à obtenir la marge maximale, marge payée par le contribuable. Avec une concurrence architecturale également limitée, la qualité du projet, donc la qualité du service, est un critère secondaire de choix, alors qu'elle devrait, selon les propos du président de la république française, être au cœur de nos choix politiques et un enjeu de civilisation ! L'absence de l'architecte aux côtés de l'acheteur public pendant le chantier a également pour conséquence la piètre qualité de réalisation car il ne peut plus contrôler, améliorer, affiner la réalisation, diriger et tirer l'entreprise vers le niveau de performance optimal. Cela explique les dysfonctionnements révélateurs des prisons de Roanne ou de Mont-de-Marsan.

Dans le cadre du plan de relance, N. Sarkozy a annoncé que l'Etat cautionnerait le financement du groupement privé, fabriquant ainsi un étonnant produit financier "pourri" au bénéfice des majors, dont tout le coût et les risques sont portés in fine par les contribuables ! Encore plus fort, le gouvernement britannique, devant une économie prenant l'eau de toute part, a voulu prêter 2 milliards de livres aux groupements qui ne tiennent plus leurs engagements ! Cela a entraîné une levée de boucliers politique face à une procédure très contestée : "le système est devenu terriblement opaque et malhonnête, et sert à cacher les obligations de l'Etat" dénonce le social-démocrate Vince Cable. La réalité des montages PPP commence aujourd'hui à se révéler. Plusieurs hôpitaux britanniques construits sous cette formule n'arrivent plus à payer les loyers. En France, Christian Blanc a annoncé que le recours aux PPP serait une erreur d'ingénierie financière pour le Grand Paris. Au Québec, la ministre de l'économie a dû démissionner à cause de sa volonté de plus en plus critiquée d'utiliser les PPP. Le lendemain de sa démission, ses ex-collègues remettaient en cause les contrats globaux. Aujourd'hui on s'aperçoit que l'agence PPP du Québec avait falsifié les études comparatives entre PPP et mode traditionnel pour favoriser ces contrats globaux.

Les PPP freinés par les positions du Conseil constitutionnel et les risques d'engagement sur le long terme avec des sociétés privées, l'Etat développe la conception-réalisation, un autre outil très utilisé dans les années 1980, marché public de travaux passé avec un groupement réunissant entreprises et concepteurs. Il ne s'agit plus que de construire et non d'exploiter l'équipement. Néanmoins les défauts sont comparables, avec une limitation de la concurrence chez les entreprises et des choix brouillés puisque l'on choisit en même temps prix et projets. Ces procédures ont été responsables, avec les procédures METP d'Ile-de-France, des très nombreuses mises en examen des années 1980-1990, à tel point que leur usage avait été drastiquement limité. Vingt ans plus tard, rien ne permet de penser que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

L'iceberg PPP de la dette n'est malheureusement pas soumis au changement climatique, il grossit, et sa part immergée augmente de façon exponentielle, se chiffrant en milliards voire en dizaines de milliards d'euros chez les grands pays européens.

Ces Etats se conduisent comme des ménages surendettés qui trichent sur leurs déclarations pour continuer à emprunter.

Il serait pourtant sage, en ces temps de développement durable, de faire de l'économie durable en ne faisant pas payer très cher par les générations futures nos besoins d'aujourd'hui. 

Denis Dessus est vice-président du Conseil national de l'ordre des architectes.



 

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