Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République avant son voyage en Algérie

Monsieur le Président,

  

Ecrire une lettre ouverte au Président de la République n’est pas une attitude très courtoise, ni respectueuse du protocole. Mais je permets cette indélicatesse, car vous n’avez jamais répondu à mon courrier du 30 octobre 2012 à propos de la terrible situation que vit le peuple sahraoui. Or, vous avez à l’occasion de votre voyage en Algérie, l’opportunité de faire évoluer considérablement ce dossier dramatique. Le peuple sahraoui est le dernier peuple colonisé d’Afrique. 

Les Français, dans leur très grande majorité, ignorent complètement cette situation. Ils ignorent également complètement la position jusque-là honteuse de la France.

En 1976, le Maroc a annexé le Sahara occidental, et en contrôle désormais 80%. Les indépendantistes du Front Polisario et les Marocains se sont affrontés dans un conflit armé jusqu’à un cessez-le-feu en 1991. Le peuple sahraoui, opprimé, humilié, privé de liberté, ne s’est pas engagé de façon violente depuis 21 ans. A l’initiative des Marocains, les Sahraouis sont aujourd’hui séparés par un mur de sable militarisé long de 2.740 kilomètres. L’Algérie a mis à disposition des réfugiés un territoire, à la condition de non circulation des armes. En visitant ces camps de réfugiés, j’ai effectivement vu un peuple déterminé, mais non engagé dans un processus violent.

Lors d’une récente conférence à Alger, j’ai entendu des femmes et des hommes témoigner de façon bouleversante. Tous racontent avoir été enlevés, emprisonnés, torturés, violés. J’ai entendu dire que l’aspect humain n’existait alors plus. J’ai entendu parler de cellules noires, très étroites, humides. J’ai entendu parler de la « petite » et de la « grande prison », la « petite prison » étant cette petite cellule étroite et humide où les sévices sont sans cesse physiques et psychologiques. La « grande prison », c’est le peuple sahraoui qui est emmuré à ciel ouvert. Cela fait trente-six ans que cela dure, certains jeunes n’ont jamais connu rien d’autre que l’univers des camps de réfugiés. Les jeunes Français accepteraient-ils une telle injustice, une telle humiliation ?

Cinquante-six prisonniers politiques sont dans les geôles marocaines, subissant les tortures les plus odieuses et avilissantes. On dénombre 650 disparus. Des femmes sahraouies ont raconté que certaines avaient été torturées dans la rue. Des jeunes, comme des vieilles femmes, avoir été jetées dans des cellules pour être avilies et dégradées. Un homme a raconté avoir reçu des coups de pied au ventre et des gifles violentes, lui ayant occasionné une perte auditive de 20%, par un préfet de police en personne. A l’issue de la conférence d’Alger, quinze personnes de la délégation sahraouie, venues témoigner depuis les territoires occupés, m’ont confié être très inquiètes sur leur avenir lorsqu’elles rentreraient chez elles. Elles semblaient être assurées d’être jetées dans des geôles marocaines. Je détiens la liste de ces personnes, et je n’hésiterai pas à demander ce qu’elles sont devenues. 

Monsieur le Président, vous le savez, reconnaissant le peuple sahraoui, l’ONU a donné mandat à la Minurso (Mission des Nations Unies) pour mettre en place les conditions d’organisation d’un référendum d’autodétermination. En effet, le droit inaliénable des peuples à décider d’eux-mêmes doit être respecté. C’est donc le peuple sahraoui, et lui seul, qui pourra un jour dire s’il choisit l’indépendance ou non. C’est le droit à l’autodétermination. 

En attendant, les Droits de l’Homme sont bafoués quotidiennement : disparitions, arrestations arbitraires, simulacres d’exécution, jugements iniques, tortures, viols. 

La France a sa part de responsabilité. Pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, à deux reprises, c’est la France, pays des Droits de l’Homme, qui a fait valoir son droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU, pour empêcher de voir le mandat de la Minurso élargi à l’observation et au respect des Droits de l’Homme. C’est cette position de la France qui est honteuse avant tout.

Monsieur le Président, lors de votre visite à Alger, si vous annonciez que la France ne fera plus valoir son droit de veto, en particulier en avril prochain, lorsque le sujet arrivera à l’ordre du jour du Conseil de Sécurité des Nations Unies, cela aurait un impact considérable sur les conditions de vie du peuple sahraoui, mais aussi sur l’image de la France à travers le monde. 

Sinon, quelle raison recevable au titre du Droit Humain pourriez-vous avancer pour que la France s’entête sur cette position ? 

Monsieur le Président, ma démarche ne se veut absolument pas anti-marocaine, j’ai trop de respect pour le peuple marocain pour cela. Ma démarche n’est pas partisane. Je prends seulement le parti des Droits de l’Homme. Cela devrait nous réunir. 

Je sais les pressions et la désinformation qui sont entreprises. Je sais que la France a des intérêts commerciaux avec le Maroc. Je sais que mes amis au Gouvernement aujourd’hui ne tomberont pas dans le piège des sollicitations ou petits avantages dont ont bénéficié des membres du Gouvernement précédent. J’ai trop confiance en eux pour que cela n’arrive. Mais vous savez aussi, Monsieur le Président, que la France a également des accords commerciaux à développer dans des domaines aussi divers que l’automobile, l’industrie pharmaceutique, la culture, avec l’Algérie. 

Les Nations Unies reconnaissent le peuple sahraoui, lui reconnaissent le droit à l’autodétermination, le Droit Humain. Que la France en permette la mise en œuvre ! 

Parce que je vous connais, parce que vous êtes socialiste, progressiste et humaniste, j’ai l’espoir que cette lettre ouverte soit prise en considération. 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sincères salutations.

  

Hervé FÉRON

Député de Meurthe-et-Moselle

Maire de Tomblaine


Hervé Féron

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Photos : Hervé Féron à la 3ème conférence internationale d’Alger consacrée aux "Droits des peuples à la résistance : le cas du peuple sahraoui".

 

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