Audition de Bruno Genevois, Président de l'Agence Française de Lutte contre le Dopage

M. Hervé Féron. Votre prédécesseur, Pierre Bordry, a démissionné neuf mois avant la fin de son mandat car il s’estimait empêché d’agir. Il était en effet convaincu que l’Agence mène un combat qu’elle ne peut gagner dans la mesure où elle ne dispose pas des moyens nécessaires – les budgets ne sont pas à la hauteur des besoins –, que la liste des produits indétectables augmente et que le dopage est de plus en plus répandu. Partagez-vous cette opinion ? Dans l’affirmative, pourquoi avoir accepté cette mission ? Sinon, comment pensez-vous la mener à bien sans disposer des moyens nécessaires ?

Votre Agence a l’obligation de contrôler au moins quatre fois par an de manière inopinée 450 sportifs d’un groupe cible, soit parce qu’ils font partie de l’élite, soit parce qu’ils sont soupçonnés de dopage. M. Pierre Bordry évoquait les difficultés pour réaliser un seul de ces quatre prélèvements, en raison des coûts et du problème de disponibilité des préleveurs. Combien de prélèvements seront réalisés cette année sur ce groupe cible ? Est-il possible de créer de vrais emplois pérennes pour les préleveurs, plutôt que de la précarité par le biais de vacations ?

Vous êtes un érudit du droit, ce qui apporte sans conteste une plus-value à l’Agence. L’arsenal juridique français vous semble-t-il approprié à une lutte efficace contre le dopage ? Une meilleure harmonisation européenne et mondiale n’est-elle pas nécessaire ? Le curseur de la sanction doit-il se placer sur le sportif soumis aux pressions, ou sur le médecin et l’équipe qui organisent le dopage ?

 

M. Bruno Genevois. Je vais répondre en regroupant vos quelque quarante-cinq questions par thèmes, sachant que je laisserai au professeur Rieu le soin d’intervenir sur les aspects médicaux.

L’Agence française de lutte contre le dopage, créée par la loi du 5 avril 2006, n’est pas le ministère des sports ni le ministère de la santé publique. Nous pouvons exprimer des préoccupations, mais pas nous substituer à l’autorité responsable. En matière de prévention, notre compétence a été écornée au regard de la loi de 1999 de Mme Buffet, votée à l’unanimité.

S’agissant des propos pessimistes de Pierre Bordry, je considère que le pessimisme doit toujours être générateur d’actions, comme l’a fort bien dit le penseur politique italien Antonio Gramsci.

Concernant l’aspect médiatique, je m’efforce d’assurer une information, sachant que j’ai prêté le serment de discrétion sur les activités du collège lorsque j’ai pris mes fonctions, et que je suis attaché à la présomption d’innocence des sportifs impliqués dans des affaires. Nous devons être très prudents car je ne voudrais pas que l’on nous reproche un préjugement. La seule chose que je puis vous indiquer, en référence à une affaire ayant défrayé la chronique, est qu’il ne faut pas confondre une suspension prise à titre conservatoire et une sanction infligée à la suite d’une procédure. Je suis très attaché au respect des procédures, toujours contradictoires, sur lesquelles porter un bon jugement implique d’en connaître tous les éléments.

J’ai été très sensible à la remarque de Mme Boulestin sur la multiplication des compétitions. Lorsqu’il était rédacteur en chef du journal L’Équipe, Gaston Meyer dénonçait déjà l’inflation des compétitions et des disciplines olympiques. Dans certains sports, elle est effectivement une incitation à des pratiques tentantes.

Je suis très attaché à la législation française et à la distinction entre sanction sportive proprement dite et sanction pénale. La sanction sportive peut intervenir dans le respect des procédures, dans des délais relativement brefs, et être efficace, pour peu que l’on joue le jeu loyalement. La sanction pénale est adaptée en cas de trafics, lorsque des personnes étrangères aux sports doivent être poursuivies et un réseau éradiqué. Vis-à-vis du sportif, elle serait extrêmement longue à mettre en œuvre, interviendrait très tardivement et n’aurait plus de valeur, voire serait mal ressentie par l’opinion qui ne comprendrait pas une peine de prison infligée six ou dix années après les faits, compte tenu des voies de recours multiples ouvertes par notre droit.

Je ne suis pas demandeur d’un versement aux fédérations du produit des amendes. Celles-ci ne constituent d’ailleurs pas la sanction principale, qui est plutôt l’interdiction de participer aux compétitions pendant une durée déterminée.

S’agissant de la sécurité de notre laboratoire, des problèmes se sont effectivement posés. Néanmoins, un audit annuel est assuré et il donne de bons résultats.

En ce qui concerne la coopération sur le plan national, nous passons des conventions avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, qui sont nos relais. Après l’adoption du programme annuel des contrôles pour l’année 2011, j’ai écrit à la ministre des sports, ce qui a permis de faire progresser le nombre de conventions conclues.

J’ai toujours pensé que l’organisation mondiale ou régionale a besoin de relais nationaux forts pour être efficace. C’est cet aspect je m’attache à mettre en œuvre. Certes, en matière d’harmonisation, nous ne sommes pas favorables à certaines évolutions, comme la suppression des déclarations d’usage, d’autant plus que les produits en question restent interdits. Les pays anglo-saxons voient quant à eux les choses différemment.

Nous sommes très attachés à une bonne utilisation du régime des autorisations temporaires d’utilisation (ATU), car il permet de mettre un terme à ce qu’avait dénoncé l’ancien Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), à savoir la production de certificats médicaux a posteriori par toutes les personnes déclarées positives. Nous avons préconisé de délivrer des autorisations qui permettent de lutter contre la maladie sans aboutir à l’amélioration de la performance sportive. Nous faisons notre travail très régulièrement. Mon seul regret est que cette action soit insuffisamment connue des sportifs amateurs. Néanmoins, la jurisprudence du Conseil d’État leur permet d’invoquer des raisons médicalement justifiées, à condition qu’elles soient sérieuses en cas de sanction.

Aucune rencontre n’est prévue avec l’UCI le 26 mars – une s’est tenue en janvier au cours de laquelle des propositions ont été formulées. Mais rassurez-vous : nous n’entendons pas faire preuve de faiblesse. Comme je l’ai dit, les deux institutions doivent faire preuve d’une coopération loyale.

 

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