La Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES), service dépendant du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, a publié en mars 2011 une enquête Santé et Itinéraire Professionnel (SIP) relative à la pénibilité au travail. Une enquête particulièrement inquiétante si l’on regarde les chiffres de plus près.
On y apprend ainsi que 35% des personnes âgées de 50 à 59 ans déclarent avoir été exposées pendant 15 ans ou plus à au moins l’une des quatre pénibilités reconnues comme portant atteinte à l’espérance de vie, ou à l’espérance de vie sans incapacité : travail de nuit, travail répétitif, travail physiquement exigeant, produits toxiques. 40% d’entre elles déclarent encore avoir cumulé au moins deux pénibilités physiques durant leur parcours professionnel.
Le rapport démontre par ailleurs que ces personnes exposées durablement à des pénibilités physiques sont en moins bonne santé : 24% se déclarent limitées dans leurs activités quotidiennes à cause d’un problème de santé, contre 17% seulement chez les autres seniors du même âge… Et, comme l’on peut s’y attendre, elles sont moins souvent en emploi après 50 ans : 68% seulement des personnes exposées à au moins une pénibilité et 62% de celles exposées à au moins trois pénibilités sont en emploi après 50 ans, contre 75% des personnes qui n’ont pas été exposées !
L’Association des Accidentés de la Vie, la FNATH et l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante (ANDEVA) s’interrogent (à juste titre) sur la publication tardive de ces données, en mars 2011, c’est-à-dire lorsque la réforme des retraites a été entièrement bouclée, alors que l’enquête a été lancée en… 2006 ou 2007 !
Rappelons que le projet de loi initial prévoyait la possibilité d’un départ anticipé à 60 ans et à taux plein pour les salariés justifiant d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10 à 20%. Cependant, un des décrets d’application de ces mesures, pris en janvier 2011, a ajouté une condition supplémentaire : ces mêmes salariés devront également justifier de 17 ans d’exposition au moins à un facteur de pénibilité ! En outre, un nouveau décret vise à définir la proportion minimale de salariés exposés aux facteurs de pénibilité qui déclenche l’obligation de négocier dans les entreprises de cinquante salariés ou plus. Or, cette proportion est déjà très élevée puisqu’elle a été fixée à 50% de l’effectif des entreprises. Ainsi, beaucoup d’entre elles sont dispensées de l’obligation de négocier sur la pénibilité au travail. De nouveaux textes réglementaires sont attendus dans les prochains mois pour une entrée en application au 1er janvier 2012.
Au final, les décrets d’application « pénibilités » sont encore plus restrictifs que l’esprit de la loi votée en novembre ! La rédaction de ces décrets réduisant sensiblement l’encadrement de la pénibilité au travail dans la cadre des retraites n’avait pas lieu d’être au vu du rapport présenté par la DARES, et on est logiquement en droit d’exiger quelques explications de la part du gouvernement…