Libération consacre un article à Pascal Popelin, député socialiste opposé à une interdiction stricte du cumul des mandats.

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Pascal Popelin, le cumul assumé

LES NOUVEAUX VISAGES DE L’ASSEMBLÉE (20) Toutes les semaines, Libération dresse le portrait d’un des 217 primodéputés. Aujourd’hui, le tombeur d’Eric Raoult en Seine-Saint-Denis, un socialiste très remonté contre le projet de loi interdisant le cumul des mandats.

Par LAURE EQUY

Il ne tient pas à faire de cette bataille-là son «unique identifiant». D’ailleurs, c’est «loin d’être le souci central» des habitants de sa circonscription, la 12e de Seine-Saint-Denis, qui jamais sur les marchés ne le traitent d’affreux cumulard. Et puis, il y a tant d’autres sujets qui l’intéressent, «comme la sécurité, une attente forte, notamment des quartiers populaires».

N’empêche. Sur cette question du non-cumul des mandats, dont le projet de loi devrait être présenté le 20 mars en conseil des ministres, Pascal Popelin est très remonté. Lui défend les doubles casquettes, en fait un «principe», hyper assumé. «Ce n’est pas l’affaire d’une vilaine caste qui s’accroche à ses privilèges.» Si le gouvernement interdit de combiner un mandat parlementaire avec celui d’exécutif local, il prédit des députés «sans poids, encore plus vassalisés».

Aucune déco dans son bureau, logé dans les anciens appartements de la questure: seules deux photos au mur – le portrait officiel de François Hollande et une vue de l’hémicycle. Lui-même, en costume-cravate ton passe-muraille, est tout ce qu’il y a de plus sobre. Mais quand il s’emballe, le voilà qui agite les bras, s’empare d’un stylo, fait mine de crayonner, enchaîne les anecdotes, gobe un bonbon menthe, repart.

Il cumule depuis peu son siège de député et son poste de premier adjoint au maire de Livry-Gargan. Après une première tentative pour conquérir la circonscription en 1993 et un autre essai malheureux en 2007, cette fois, il a fait tomber Eric Raoult, maire (UMP) du Raincy.

«On ne me fera pas voter un truc pareil!»

Du coup, il moque ces pontes socialistes fraîchement convertis aux vertus du mandat unique «après avoir cumulé durant trente ans». Solférino en prend aussi pour son grade: «Au départ, c’est un engagement du PS, qui n’est pas à une bêtise près.» Le primodéputé plaide, lui, pour limiter à deux mandats – dont un exécutif – ou fonctions en découlant. Il dira aussi qu’il veut bien aller par étapes vers le mandat unique à condition de s’attaquer de pair à d’autres réformes: renforcement des pouvoirs du Parlement, autonomie des collectivités locales, statut de l’élu. Mais en l’état, «on ne me fera pas voter un truc pareil!» Et Popelin prévient le gouvernement qu’il «ne devrait pas mésestimer» le risque d’un revers sur ce texte.

Drôlement sûr de lui, le nouveau, pas du genre à se laisser impressionner. C’est qu’à 46 ans, il a longtemps grenouillé dans le bain de Solférino. Fabiusien, il a été négociateur pour les intérêts électoraux de son courant, autant dire qu’il a tâté de tous les caciques. Bruno Le Roux, patron du groupe PS, a guidé ses premiers pas à l’Assemblée cet été; les deux élus du 93 se connaissent depuis un bail, partagent souvent une bonne table ou un bon cru. Popelin l’a appelé l’été 2011 pour se mettre au service de la campagne de Hollande et a organisé pour le candidat une petite trentaine de déplacements. Il dit aussi «mon ami Manuel Valls» ou «mon ami Harlem Désir».

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Lorsqu’il était étudiant à Sciences-Po, c’est vers Laurent Fabius qu’il s’est tourné: «Il incarnait la modernité.» On est en 1985, il a 18 ans et écrit au culot au Premier ministre pour l’inviter rue Saint-Guillaume. Fabius envoie un ministre mais quand il redeviendra député, recrutera Popelin comme «petite main». Dans les couloirs du Palais Bourbon, le jeune homme croise Bérégovoy, Lang, Mexandeau. Bartolone surtout. L’homme fort du PS de Seine-Saint-Denis, où vit Popelin, est «un ami, un partenaire politique, un grand frère» avec lequel il s’engueule, se rabiboche: «On a tous les deux un caractère trempé.» Popelin travaille vingt ans avec lui au département. Comme collaborateur au groupe PS, puis conseiller général élu en 1993 et vice-président.

Le local, c’est son moteur politique, dit-il: «La proximité plutôt que les sunlights. Je prends mal la lumière.» Il dit pourtant son «plaisir formidable» à siéger. Popelin a adoré être rapporteur, en février, sur la réforme des modes de scrutins départementaux et sait gré au président de la Commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, de faire monter en première ligne les nouveaux du groupe. Mais s’il devait choisir – et il «détesterait avoir à le faire» -, ce père de deux filles retournerait sans doute à l’action locale, «d’où je viens». En attendant une application du non-cumul en 2017, Popelin assure jongler facilement entre ses plannings de député et de maire-adjoint, s’agace à l’idée qu’un cumulard déserterait forcément l’Assemblée. Il a beau assurer qu’il regarde «avec méfiance, voire avec mépris» les classements des députés selon leur activité et leur temps de présence, il ne manque pas de faire remarquer, l’air détaché, qu’il se trouve plutôt dans le peloton de tête…

Source : http://www.liberation.fr/politiques/2013/03/12/pascal-popelin-le-cumul-assume_887257.