Hervé Féron a inauguré cet après-midi l’avenue Nelson Mandela. Vous trouverez ci-dessous le texte de son intervention prononcée sur place.
Monsieur le Conseiller Général,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs les Présidents d’Associations,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Le 5 décembre 2013, Nelson Mandela nous a quittés. Dès le lendemain, j’ai fait connaître publiquement mon intention de proposer au Conseil Municipal de Tomblaine de dénommer cette voie ouverte au public qui mène à l’aéroport du Grand Nancy – Tomblaine avenue Nelson Mandela. Je regrette sincèrement que pour des raisons uniquement polémiques, un journaliste se soit permis non pas d’annoncer cette décision comme il l’avait fait pour le maire de Nancy mais de ne parler de cette décision prise à Tomblaine que pour insinuer qu’il y avait là une manœuvre peut-être électoraliste. Nous vivons une époque trouble où les médias nous serviraient beaucoup plus à défendre les valeurs humanistes plutôt que de chercher le scoop en usant de commentaires au goût douteux. A Tomblaine, nous n’avons de leçons à recevoir de personne quant à la dénomination des rues. Nous avons été la première commune de Meurthe-et-Moselle à dénommer une allée du 19 Mars 1962, pour commémorer la date officielle de fin de la guerre d’Algérie. Nous avons été une des premières communes de France à dénommer au lendemain de la disparition de François Mitterrand, la place François Mitterrand. Notre centre socio-culturel s’appelle Espace Jean Jaurès parce que Jean Jaurès a été assassiné, coupable d’avoir défendu la paix. Le Conseil Municipal de Tomblaine a décidé à l’unanimité de dénommer cette avenue Nelson Mandela. Nous en sommes très fiers.
Nelson Rolihlahla Mandela est né dans l’ancien Bantoustan, en Afrique du Sud. Son père était l’un des chefs de l’ethnie Xhosa. Après avoir obtenu un diplôme en droit en 1942 à l’Université du Witwatersrand de Johannesburg, il entre à l’ANC (l’African National Congress) qui est alors un parti politique modéré de la bourgeoisie noire.
Avec Oliver Tambo, Nelson Mandela fonde le premier cabinet d’avocats noirs en Afrique du Sud, puis, en mars 1944, crée la Ligue de la jeunesse de l’ANC (Youth League). Au moment où l’apartheid est « officialisé » par le premier ministre sud africain Daniel Malan en 1948, Nelson Mandela et Olivier Tambo parviennent à accéder à la tête de l’ANC avec la Ligue de la jeunesse.
Après plusieurs années de lutte contre l’Apartheid, d’arrestations et de procès, Nelson Mandela est condamné en 1964 avec sept de ses compagnons à la prison à vie pour sabotage, trahison et complot. Durant toute sa captivité, il refuse d’être libéré contre le renoncement public à la lutte anti-apartheid. En 1986 ont lieu des rencontres avec les autorités qui le placent en résidence surveillée à partir de 1988.
Nelson Mandela est finalement libéré le 11 février 1990 après avoir passé 27 ans et demi en prison. Le gouvernement sud africain légalise le Parti communiste et l’ANC dont Mandela devient le président en 1991.
En 1993, avec le président De Klerk, il reçoit le prix Nobel de la paix. Les premières élections pluralistes et multiraciales ont lieu en 1994. L’ANC remporte une très large victoire. La même année, Nelson Mandela est investi Président de l’Afrique du Sud, poste qu’il occupe jusqu’en 1999 pour laisser la place à Thabo Mbeki.
Nelson Mandela crée en 1999 la Fondation Nelson Mandela et se consacre à la lutte contre le sida après la mort de son fils en 2005.
Il nous a quitté le 5 décembre 2013 et est enterré dans son village natal à Kunu.
Nous allons donc inaugurer cette avenue Nelson Mandela aujourd’hui. Je me proposerai de vous dire quelques mots dans quelques instants dans le forum de l’Espace Jean Jaurès avant que nous partagions le verre de l’amitié. Nelson Mandela disait « en faisant scintiller nos lumières, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant ». Conformément à la délibération du Conseil Municipal de Tomblaine le 18 décembre 2013, nous dénommons aujourd’hui l’avenue Nelson Mandela, 1918-2013, homme politique et prix Nobel de la Paix, symbole de la lutte contre l’apartheid.
Puis, tout le monde s’est retrouvé à l’Espace Jean Jaurès où Hervé Féron a prononcé un second discours que vous trouverez ci-dessous.
Mesdames, Messieurs,
Nous vivons une période terrible où le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie sont terriblement banalisés. Il y a peu de temps, c’était la Ministre de la Justice qui était lamentablement insultée par des gens réputés a priori responsables, de façon répétitive et avec insistance. Actuellement, la France vit le feuilleton Dieudonné pour lequel j’avais préconisé qu’on le condamne pour ses délits systématiquement et que la peine soit appliquée mais en aucun cas qu’on lui interdise a priori de présenter un spectacle pour ne pas lui faire de publicité. Je crois qu’aujourd’hui le pire est arrivé puisque de toute sa carrière, il n’a jamais connu autant de publicité. Des dizaines de milliers d’affiches, des émissions de télévision n’ont jamais réussi à le faire connaître à ce point-là. Et ça n’est pas fini, il est aujourd’hui définitivement victimisé et tous les paumés qui se prennent pour des damnés de la Terre, et qui sont prêts à la moindre occasion à céder à la tentation, à la dérive raciste sont prêts à partager le statut de victime avec lui. Quel paradoxe avec l’incroyable manifestation fraternelle, solidaire et universelle de peine à laquelle on a assisté à l’occasion de la disparition de Nelson Mandela. Lui, avait été une vraie victime, il a été pour son peuple un Guide, il est pour l’Humanisme dans sa conception universelle un Repère pour toujours. Alors tout cela fait forcément parler et j’apprends aujourd’hui que tout près de nous, des enfants auraient eu récemment des réflexions particulièrement racistes vis-à-vis de personnels municipaux, que des adultes auraient eu des blagues plus que douteuses dans le même sens. Ce qui est terrible, c’est la banalisation. Tout est grave, rien n’est insignifiant. Nous avons collectivement la responsabilité de considérer que ces remarques, ces insultes, ces blagues sont graves et doivent être combattues. Pour cela, il faut revenir à des fondamentaux. Je souhaite vous lire deux extraits du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et les libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des Droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. ». « La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion. »
Il s’agit du préambule de la Constitution Française, acte fondateur de notre République. Et puis dans le discours prononcé par Aimé Césaire à Dakar le 6 avril 1966, il disait : « je dirai, à propos de la négritude, que, dans la perspective de la réification, le racisme et le colonialisme avaient tenu à transformer le Nègre en chose. L’homme noir n’était plus appréhendé par l’homme blanc qu’à travers le prix d’une déformation, de stéréotypes, car c’est toujours de stéréotypes que vivent les préjugés. Et c’est cela le racisme. Le racisme, c’est la non-communication. C’est la chosification de l’autre, du Nègre ou du Juif ; la substitution à l’autre de la caricature de l’autre, une caricature à laquelle on donne valeur d’absolu. L’apparition de la littérature de la négritude et de la poésie de la négritude n’a produit un tel choc que parce qu’elles ont dérangé l’image que l’homme blanc se faisait de l’homme noir, qu’elles ont marqué avec ses qualités, avec ses défauts, donc avec sa charge d’homme, dans le monde des abstractions et des stéréotypes que l’homme blanc s’était jusque-là fabriqué à son sujet de manière unilatérale.
Et c’est bien cela, je crois, le service que la négritude a rendu au monde. C’était par-là contribuer à l’édification d’un véritable humanisme, de l’humanisme universel, car enfin il n’y a pas d’humanisme s’il n’est pas universel, et il n’y a pas d’humanisme sans dialogue, et il ne peut y avoir de dialogue entre un homme et une caricature.
En restituant l’homme noir dans sa stature humaine, dans sa dimension humaine, pour la première fois, la littérature de la négritude a rétabli les possibilités de dialogue entre l’homme blanc et l’homme noir et ce n’est pas un de ses moindres mérites. Il est très vrai que la littérature de la négritude a été une littérature de combat, une littérature de choc et c’est là son honneur ; une machine de guerre contre le colonialisme et le racisme, et c’est là sa justification. »
Si je vous ai lu cet extrait du discours d’Aimé Césaire, c’est parce que je pense qu’il faut proposer à Dieudonné et à ceux qu’il amuse encore de lire et ainsi de s’instruire. Je suis très fier d’être le maire d’une commune qui vient de dénommer une avenue Nelson Mandela, 1918-2013, homme politique et prix Nobel de la Paix, symbole de la lutte contre l’apartheid.