Dans l’hémicycle, en séance publique, Hervé FERON est intervenu aujourd’hui, lundi 21 mars, au cours de la discussion générale sur le projet de loi Liberté de création, architecture et patrimoine. Vous pouvez retrouver ici l’extrait vidéo :

 
Intervention d’Hervé FERON en discussion… par herveferon

Retrouvez ici le texte de l’intervention du Député Hervé FERON :

« Merci Monsieur le Président.

Madame la Ministre, chers collègues,

La culture, comme le disait André Malraux en 1966, est un « enjeu de civilisation ». Il disait aussi que « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». A un moment où les obscurantistes s’attaquent à nos valeurs et saccagent les œuvres d’art, ces mots sont plus que jamais d’actualité, rendant le projet de loi que nous examinons en deuxième lecture absolument nécessaire.

Car ce texte érige en grand principe la création artistique, qu’il s’agisse  du théâtre, de la danse, de la musique, de l’art contemporain, de l’art floral. Or la création est indispensable à l’acceptation de soi et des autres, à la construction d’une réflexion permettant de nous interroger sur nos certitudes et de nous bousculer dans nos conventions, à l’acquisition d’une distance critique nécessaire pour déconstruire les discours simplificateurs et caricaturés. André Malraux, encore lui, disait que « La Culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre. »

Il s’agit dans ce texte de « sanctuariser la liberté de création »[1], mais pas seulement. De l’art plastique à l’architecture, en passant par l’archéologie ou les quotas à la radio, nous avons abordé de nombreux sujets au fil de ses 46 articles.

Vous savez, Madame la Ministre, que le groupe socialiste s’est fortement engagé pour l’accès à une offre culturelle diverse, ce qui passe notamment par la diffusion suffisamment variée à la radio, en mettant l’accent sur la francophonie et les nouveaux talents. Nous avons bien compris votre argumentation sur les quotas, l’article 11 Ter ayant été modifié en commission sur proposition du Gouvernement afin de prévoir un allègement de 5% en contrepartie d’engagement sur la diversité. Nous avons néanmoins pensé nécessaire de préciser que la diffusion d’œuvres francophones devra se faire à des heures de grande écoute afin d’éviter que certaines radios commerciales ne contournent leurs obligations légales en diffusant les nouveaux talents à des heures tardives, les privant ainsi de rencontrer leur public. Nous vous présenterons un amendement dans ce sens au cours de la discussion.

Un autre sujet que vous connaissez bien est celui de la gestion collective des droits des artistes-interprètes. Demande de longue date des sociétés représentant majoritairement les artistes-interprètes (SPEDIDAM et ADAMI), la gestion collective des droits tirés du « streaming musical » apparaît comme une nécessité. A ce jour en effet, la quasi-totalité des artistes-interprètes ne reçoit aucune rémunération pour ces exploitations, contraints de céder leurs droits aux producteurs pour une rémunération forfaitaire et définitive ou, pour une petite minorité d’entre eux (les artistes les plus populaires), en contrepartie du paiement de « royalties » reçues des producteurs sans garanties d’équité ou de transparence. J’aurai également l’occasion de défendre cet amendement, auquel plusieurs collègues ont souhaité s’associer.

J’espère que vous me permettrez, Madame la Ministre, une petite digression qui se trouve toutefois en lien direct avec l’objet de la loi dont nous discutons aujourd’hui. Vous avez annoncé il y a deux jours à peine vouloir veiller pour les artistes et les techniciens du spectacle à ce que les conditions d’emploi et de protection sociale soient garanties. Bien que la condition des intermittents du spectacle ne soit pas l’objet direct du présent projet de loi, je me réjouis de ces annonces que vous avez faites au sujet du régime des intermittents du spectacle qui sont comme vous le dites « la clé de voute de notre modèle de création ». J’attends avec grand intérêt que vous nous précisiez votre engagement à ce sujet, et je sais pouvoir vous assurer le soutien des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen sur ce point essentiel.

Madame la Ministre, nous sommes fiers de poursuivre le combat pour la culture, après les événements terribles que nous avons connus en 2015, à l’heure où nous devons retrouver des solidarités pour répondre à la crise multiple et internationale que nous traversons. Au-delà du buzz, la présence de l’artiste chinois Ai Weiwei et de l’acteur britannique Jude Law en soutien aux migrants à Calais en est l’une des preuves les plus récentes : art et engagement ne sont pas incompatibles. Au contraire des partisans de l’« Art pour l’art » au XIXème siècle, je suis même persuadé qu’ils s’irriguent l’un l’autre, et que ce projet de loi et toutes les dernières actualités sont de formidables occasions de le rappeler.     

Enfin, au-delà des grands principes, l’action culturelle ne peut exister pleinement qu’avec des moyens financiers dignes de ce nom. Si nous nous réjouissons que le budget du Ministère de la Culture ait été augmenté cette année, il faudra continuer de s’assurer qu’il soit suffisant pour permettre la mise en œuvre réussie de nos politiques culturelles.  

C’est à ce prix, ainsi qu’en ravivant le lien Etat-collectivités qui nous permet de faire vivre la culture sur nos territoires, que nous préserverons la force de notre modèle unique dans le monde.

Je vous remercie pour votre attention. »


[1] Discours d’Audrey Azoulay à Amiens le 19/03/2016