Par une vidéo postée sur les réseaux sociaux, j’avais souhaité dire ma colère, parce que je la ressentais partagée par beaucoup de gens, mais aussi pour lancer un cri d’alarme.
Manifestement ce que je disais a été entendu, puisqu’une semaine plus tard cette vidéo a dépassé le million de vues, les 100 000 partages et totalise des dizaines de milliers de likes, de commentaires et de messages que j’ai reçus par mail ou par sms.
Tout d’abord, je souhaite rappeler, pour les deux ou trois chafouins sur un million, que je ne cherche aucune publicité personnelle, j’en n’en ai pas besoin, je viens d’ailleurs d’être réélu maire de ma ville avec plus de 75% des voix…
Plusieurs médias nationaux s ‘y sont intéressés et m’ont proposé même d’en parler je les remercie. Cela n’a pas été le cas des médias locaux, cela ne les intéresse pas. Le journal local a publié un petit article avec 5 jours de retard en minimisant le nombre de vues et en me confinant dans la rubrique Tomblaine, quand pour cette vidéo J’ai reçu des soutiens de toute la France, de l’étranger, jusqu’à New York !
Dans cette vidéo, je disais les difficultés rencontrées pour protéger les personnes âgées qui habitent le Foyer résidence de ma ville à Tomblaine.
Impact de mon intervention : j’ai eu la bonne surprise d’être appelé assez vite par monsieur le Préfet de Meurthe et Moselle qui m’a dit avoir pris connaissance de mes propos avec intérêt et qui me proposait son aide, j’ai beaucoup apprécié.
Moi, ma démarche est avant tout de trouver des solutions pour protéger la population.
Concernant l’ARS (Agence Régionale de Santé), on se souvient que j’avais adressé plusieurs mails depuis 6 semaines à l’ARS, et même un sms à son directeur régional pour demander des masques de protection pour les personnels municipaux travaillant dans notre foyer de personnes âgées et que ces gens-là n’avaient même pas daigné nous répondre…
Suite à ma vidéo, ils nous ont proposé une dotation de masques, mais il fallait aller les chercher à Nancy, car ces gens-là ne se déplacent pas.
J’y suis donc allé. Ils m’ont donné cette dotation, j’ai bien senti que ma vidéo les avait un peu froissés, surtout quand ils m’ont fait remarquer que c’était une dotation « exceptionnelle »… Comme s’ils me faisaient la charité. Comme s’ils étaient propriétaires de ces masques ! Ce qui m’inquiète, c’est que, comme j’ai râlé fort, j’ai bénéficié de cette dotation « exceptionnelle » de masques pour le foyer de personnes âgées de ma ville, mais quid de tous les autres établissements de ce type ???
Voilà pourquoi je suis toujours en colère.
Pire encore, le Conseil Départemental, complètement absent sur le terrain, nous pollue la vie depuis le début de la crise, en nous abreuvant de documents pour nous donner des consignes, sans nous apporter la moindre aide et surtout pour nous demander des comptes sur ce que nous faisons. Ils imaginent certainement qu’on a le temps de remplir de la paperasse pour justifier de toutes les actions qu’on met en œuvre… Le lendemain de la vidéo, la technocrate-chef du Conseil Départemental nous a même adressé un document à lire, avec le protocole à suivre en cas de suspicion d’un cas de COVID 19 dans notre Foyer, il y avait … 10 pages de protocole !!!
C’est la France des loosers, la France de la paperasse inutile.
Un jour, je publierai ce mail…
Finalement, très tardivement sur un simple coup de téléphone, le Conseil Départemental nous a annoncé qu’ils allaient nous attribuer une dotation de masques… pour vendredi prochain ! J’attends toujours pour voir, mais cela m’a fait penser à cette blague que j’ai lue « donner des masques six semaines après le début de l’épidémie, c’est comme porter un préservatif le jour de l’accouchement ». Voilà pourquoi je suis toujours en colère !
Sinon, je dois saluer, remercier, embrasser virtuellement tous les anonymes qui, très nombreux, nous ont proposé leur aide spontanément, pour venir travailler bénévolement dans ce foyer de personnes âgées, pour fabriquer des masques, pour faire des courses… c’est incroyable, dans ce pays le peuple de France est beaucoup plus mature, responsable et républicain que ses gouvernants !
Dans ma vidéo, je faisais remarquer aussi comme les maires sont abandonnés, privés de dotations par l’Etat depuis plus de 12 ans, privés de moyens financiers et privés de leurs domaines de compétences confisquées par les Métropoles, usines à pouvoir des barons régionaux… et cela fait partie des choses qui devront changer après ! Je remarque les centaines de messages de remerciements de maires de toute la France qui se reconnaissent dans mes propos…
Et bien, dans ma commune, nous venons de recevoir la notification de nos dotations de fonctionnement qui seront versées cette année, je constate en cette période difficile de lutte contre le coronavirus, que nos dotations de l’Etat seront diminuées encore cette année de plus de 5000€, alors que notre population a augmenté… Pendant la crise, la liquidation continue ! On continue à solliciter les maires comme premiers acteurs de la cohésion sociale et on les méprise. Voilà pourquoi, je suis toujours en colère.
On entend que les EPHAD sont en très grande difficulté, un directeur d’EPHAD a même été relevé de ses fonctions par le Président d’un Conseil Départemental. Dans notre Foyer de Personnes Âgées, nous n’avons pas de personnes contaminées. Je touche du bois et j’espère…
Mais qu’est-ce qui explique cette situation ?
Pour mettre en œuvre très tôt les gestes barrières et toutes les mesures de précautions et de bienveillance, j’ai dû, en tant que Maire, tripler dès le début de la crise, le nombre de personnels intervenant dans ce foyer, étant donné la surcharge de travail. Ce sont des personnels municipaux, volontaires qui se retrouvent sur des métiers qui ne sont pas le leur et la charge financière est assumée exclusivement par la Commune, dans un contexte où l’Etat continue à nous baisser nos dotations de fonctionnement… Alors que les EPHAD, eux, ont des budgets inamovibles, et n’ont pas de réserve de personnels, ils n’ont pas été aidés spécialement par qui que ce soit en cette période de crise et ils n’ont pas eu les moyens de renforcer leurs équipes…
Dans les sociétés les plus primaires, on prend soin des anciens.
Voilà pourquoi je suis toujours en colère.
Dans ma région, il y a des élus en place et en lice avec d’autres pour devenir maire de Nancy, la ville centre de la Métropole. Ces élus, en responsabilité aujourd’hui, rivalisent à grands coups de communication, car ils n’ont dans la tête que le deuxième tour des municipales, ce qui explique qu’ils soient si loin de la réalité des gens. Voilà pourquoi je suis toujours en colère…
Ces élus ont fait partie des instances qui gèrent le CHU de Nancy et depuis longtemps, en complicité avec le Président de la Métropole , ils ont accepté les centaines de suppressions d’emplois et de lits que le CHU de Nancy a déjà subis. Récemment ils ont à nouveau accepté, en protestant mollement, un nouveau plan pour équilibrer le budget du CHU de Nancy, plan qui vise ni plus ni moins à supprimer à nouveau 598 postes et 174 lits sur les cinq prochaines années !!!
Et voilà qu’en peine crise, le Directeur Régional de l’ARS, vous savez celui qui n’avait pas daigné répondre à mon appel au secours, annonce que ce plan de démantèlement sera maintenu ! Quel cynisme, en pleine pandémie, à l’heure où des gens meurent dans les couloirs des hôpitaux surchargés !
Et voilà qu’on apprend que ce directeur d’ARS vient d’être suspendu de ses fonctions… Qu’est-ce à dire ? Sera-t-il nommé ailleurs ? Ce n’est pas ce que nous attendions ! Nous attendons que le Ministre de la Santé annonce maintenant que dans tous les cas de figure, il n’y aura plus un seul lit et plus un seul emploi supprimées CHU de Nancy ! Nous attendons qu’il ne repousse pas la discussion à plus tard ! Nous attendons qu’il s’engage maintenant et courageusement à redonner au plus vite les moyens à l’hôpital dans ce pays pour redevenir un service public digne, performant et accessible à tous !
Voilà pourquoi je suis toujours en colère !
La situation actuelle est due à l’irresponsabilité de nos dirigeants et à l’impréparation sciemment consentie. Démantèlement du service public de soin, suppressions de postes, de moyens financiers et de lits à l’hôpital public, cela nous a conduit à ne plus avoir un dispositif de soin décent, même en dehors de la période de pandémie, si vous avez dû aller aux urgences avant la crise, souvenez-vous des conditions…
Mais tous les domaines sont concernés, la marchandisation et la libre concurrence ont piétiné les valeurs républicaines, l’absence de moyens pour la recherche, la dépendance à certains pays étrangers pour avoir fermé des usines qui produisaient des masques par exemple (le masque de protection ne devrait-il pas être considéré comme produit de première nécessité ?), le grand business de l’industrie pharmaceutique, sans mission de service public, qui joue sans cesse sur notre santé, comme elle jouerait au casino, ou encore en ce qui concerne le Très Haut Débit internet, les grands opérateurs privés, qui eux non plus n’ont pas de mission de service public et qui n’ont toujours pas souhaité venir sur les Réseaux d’Initiative Publique dans les grandes villes, privant ainsi une grande partie de la population française d’autonomie en cette période de confinement que le Président a pourtant comparé à la guerre !
Sans cesse la course au profit, voilà pourquoi je suis toujours en colère.
Ce n’est plus une République, c’est un grand business organisé. Le gouvernement et les dirigeants dans ce pays ont failli à leur devoir de bienveillance et de protection des populations.
Il faut dire merci aux millions d’anonymes, ceux qui restent chez eux pour protéger les autres, ceux qui sont en première ligne, les personnels soignants, les infirmiers, les pompiers, les médecins, ceux qui continuent à faire tourner le monde, les caissières, les routiers, les personnels municipaux, les enseignants. Elle est belle cette France qui donne la leçon à ses dirigeants irresponsables.
Le grand oratorio, consacré dans toute la France, chaque soir à 20h aux personnels soignants, est un hommage mérité.
Mais il ne faudra pas oublier, car demain, lorsque les infirmières iront dans la rue demander des moyens pour travailler avec humanité, quand les pompiers seront en grève, quand le service public dira sa colère, il faudra les soutenir, il faudra qu’ils ne soient pas seuls à nouveau, il faudra les rejoindre et ne jamais oublier.
Pour construire ensemble le monde de demain, en ne le laissant plus au mains de ceux qui en ont fait ce qu’il est devenu aujourd’hui.
Ceux-là devront rendre des comptes.