J’ai lu ou regardé avec une grande attention les compte-rendus, interviews  ou reportages relayés par les médias, à l’occasion de l’Assemblée Générale des Maires et des présidents d’intercommunalités de Meurthe et Moselle.

 
Parce qu’à là l’ordre du jour, on trouvait deux tables rondes sur les thèmes :
 
– le maire, face aux risques accrus de catastrophes naturelles et technologiques… avec, entre autres, les interventions d’un « responsable des collectivités chez un grand groupe d’assurances »… et également du sénateur Husson…
 
– Les maires, en première ligne dans tous les domaines… qui pour les soutenir ?
 
J’ai attendu quelques jours avant que de m’exprimer, tant une sourde colère m’étreint… Je suppose que de nombreux maires se retrouveront dans mon analyse, mais ils sont tellement habitués à entendre des propos aseptisés, convenus et anesthésiants, dans ce genre de réunion… Cette stérilité dans l’efficience du débat me laisse à penser qu’on n’en reste là désespérément qu’à un stade, celui des mondanités… pendant que les maires (et pas seulement les maires de petits villages ruraux) souffrent au quotidien.
 
C’est déjà une erreur au départ que l’on trouve dans la même association, les maires et les présidents d’intercommunalités, quand il est évident que les Communes ne sont, la plupart du temps, que les variables d’ajustement budgétaire des Communes centres et de ces intercommunalités pourtant inventées sur la base de valeurs nobles. Par la gestion ultra technocratique des ces intercommunalités et sous le prétexte fallacieux d’une pseudo-solidarité, voire de mutualisations d’opportunité … les maires, privés de moyens ainsi confisqués, sont empêchés d’agir pour leurs communes et pour leurs habitants. Ils ne décident plus de rien, il sont réduits à l’état 
de notaires, qui doivent administrer, en subissant les contraintes, les obligations, les intérêts de tel ou tel territoire et parfois même les caprices de technocrates  qui ne supportent pas qu’un élu de la République se permette d’avoir « des idées », voire « des projets »… allez, soyons fous (!) « des ambitions », pour la Commune où il a été élu. On est très loin du concept républicain. Malheureusement, cette situation profite essentiellement à la classe politique et technocratique qui n’a jamais « les mains dans le cambouis », mais qui concentre tous les pouvoirs.
 
Je risque beaucoup d’ennuis à parler vrai (et ce ne sera pas la première fois…) mais je me dis que la grande majorité de nos concitoyens pense ce que j’écris, la preuve en est que les urnes sont désertées, parce que la politique, pourtant si noble dans son concept étymologique, s’en trouve en permanence décrédibilisée. Les maires sont des tâcherons bienveillants, non pas des « politiques » et pourtant ils s’occupent 
des gens et de leur territoire avec abnégation.
 
=> Sur le premier sujet, je lis que le Sénateur Husson a annoncé qu’il «  se pencherait sur le sujet avec la Commission des Finances » . Quelle fumisterie ! C’est le discours classique, pour ne pas dire poussiéreux, tout en obsolescence, du sénateur qui n’a rien à dire et rien à promettre… Ça pue le mensonge éhonté. Cela ne sert qu’à rappeler pour flatter son égo, sa participation à la Commission des Finances du Sénat, celle-là même qui s’acharne sur le devenir des maires et des communes depuis des décennies, en respectant juste une courte trêve au moment des élections sénatoriales, car il ne faut pas oublier qu’ils y trouvent là leur fond de commerce. Je ne saurais que lui conseiller de ne pas trop se pencher sur le sujet, de peur qu’il ne tombe dans le gouffre abyssal du mépris national fait aux maires.
 
Je souhaite ici apporter ma contribution, juste par un exemple, au sujet des assurances… Les cotisations à la charge des Communes ont explosé ces dernières années, parce que les assurances (drôle de métier !) veulent bien gagner de l’argent, voire beaucoup d’argent pour financer leurs frais de siège et de gestion… Elles annoncent qu’elles couvrent les risques, mais elles ne se risquent pas à nous couvrir… Tout le monde connait cette terrible histoire, lorsque vous avez subi un dommage et que vous vous adressez à « la dame de l’assurance » et qu’elle vous dit « Ah ben oui, mais vous n’avez pas lu l’alinéa 147 de l’avenant 3 de l’annexe  B10 du contrat que vous avez pourtant signé… »
 
Après la période de violences urbaines que la France a connu, le Président de la République a annoncé, que dis-je, a claironné que l’Etat serait solidaire… Et, dans la foulée, il a exhorté les assureurs à tenir leur rôle (sans les contraindre, bien sûr). Alors, beaucoup de maires ont subi, certains s’en sont plaints, mais la plupart, déjà accablés par la baisse des dotations de l’Etat, par l’explosion des prix des matières premières, des carburants, du gaz, de l’électricité… la plupart se sont tus, parce que las de tout. Voilà mon exemple : à Tomblaine, après la période des violences urbaines, notre assureur (que le Président de la République nous a invités à solliciter), nous a écrit pour nous imposer «  une mise à jour d’un avenant concernant les émeutes et mouvements populaires » Selon lui, cette démarche vise « à ne pas augmenter la prime d’assurance ou de voir l’assurance résilier nos contrats » (autrement dit si vous commencez à nous demander de tenir nos engagements, on vous vire…). Dans cet avenant, «  le plafond de garantie passe à … 2 millions d’euros par sinistre et 3 millions d’euros par année d’assurance, avec une franchise à 2 millions »  !!!  Autrement dit, on n’a pas de chance, comme on a eu moins de 2 millions de casse, on ne sera pas remboursé !
 
Pour être honnête, je dois préciser que l’Etat nous a demandé de lister les coûts consécutifs aux dégradations et… Nous espérons donc une participation de l’Etat… On verra.
 
=> Sur le deuxième sujet, ce qui est (presque) drôle, c’est qu’ il n’y a eu aucun compte-rendu dans les médias, tant cette table ronde n’a dû servir … qu’à tourner en rond.
 
Ce que je peux dire, c’est que depuis longtemps maintenant, les maires ne sont plus protégés. Pire encore, ils ne sont pas entendus. On les rend responsables de tout, mais le Procureur de la République ne répond pas à leurs interpellations et classe systématiquement sans suite. Il se passe dans la vraie vie l’exact contraire de ce que prétendent le Président de la République, le Ministre de l’Intérieur, le Ministre de la justice. 
 
Les maires sont déconsidérés, suspectés, jugés en permanence. Voilà qui explique cet énorme malaise. Et ils sont «  fortement invités »  à ne pas se plaindre… Celui qui parle aura des ennuis… Il sera brocardé, contrôlé, fliqué, suspecté, boycotté par les médias, sa Commune y perdra des aides pourtant promises par le Président de la République…
Le Maire ne peut pas répondre à ses administrés qui n’ont plus confiance qu’en lui. Lorsqu’ils répond aux victimes « déposez plainte », les victimes lui répondent « on a souhaité porter plainte, mais la police nous en a refusé la possibilité » . La facilité a consisté un jour à inventer le terme de « incivilités ». Ainsi, la police se dédouane de toute responsabilité. Elle n’est plus présente sur l’ensemble du territoire et cela (re)crée des zones de non-droits, que subissent d’abord les populations les plus fragiles. Pour défendre la police, il faut bien reconnaitre qu’elle dispose de moyens très insuffisants (il n’y aura que des bobos, éternels juges, qui n’ont jamais rien géré de leur vie qui m’objecteront que ce n’est pas un discours de gauche. Protéger la population quand on est en responsabilité est une évidence républicaine), mais aussi, la police peut être blasée, quand elle sait que le Procureur classera sans suite… C’est ainsi qu’on structure l’inégalité sur les territoires. Inégalité d’accès aux droits, inégalité d’accès au logement, à l’emploi, à la sécurité, service public dégradé inexorablement.
 
Voilà la triste réalité. Un jour il n’y aura plus de maires. Ou alors, la place sera vacante dans chacune de nos Communes pour des gens peut-être moins capables, moins passionnés, moins investis, plus intéressés, mais la place sera libre… Parce que les femmes et les hommes sincères, ne s’y engouffreront plus, conscients du fait que cela devient une imposture par la force des choses, par la défaillance chronique et programmée de nos institutions et par la culture du médiocre.
 
Graeme Allwright aurait parlé de « désescalade ». 
Hervé Féron.