En ces moments de fête, je ne peux m’empêcher de penser à ces familles ukrainiennes que nous avons accueillies, à ces enfants, qui vivent sous les bombes privés du Droit d’aller à l’école et, à qui nous avons permis de venir pendant plusieurs semaines, à l’école en France, avec leur enseignante. Ces familles et ces enfants connaissent depuis quelques jours une terrible recrudescence des bombardements, on leur prend tout, leur maison, leur famille, leur liberté, leurs Droits, leur enfance…
Je ne peux m’empêcher de penser aux peuple turc, syrien, marocain, qui ont vécu en 2023 un horrible drame et que nous avons tenté d’aider, grâce à la mobilisation spontanée des habitants et une exceptionnelle solidarité… Mais, une fois l’émotion passée, qui nourrit la Une des journaux, le scoop et les ventes, qui pourrait penser que quelques mois plus tard ces populations seraient revenues à une vie normale et n’auraient plus besoin d’aide humanitaire, jusqu’à connaître l’oubli et le sentiment d’abandon ?
Je ne peux m’empêcher de penser à la population israélienne terriblement meurtrie par l’agression du Hamas le 7 octobre, qui a fait 1200 morts, 241 otages et des centaines de familles qui vivent dans la terreur…
Je ne peux m’empêcher de penser à la population palestinienne, qui subit, en martyr la réplique démesurée de l’Etat israélien. Les bombardements ont tué plus de 21 110 personnes, blessé 55 000 civils et combattants palestiniens. L’Etat d’Israel impose le déplacement de plus de 1,9 million de civils (85% de la population) et au moins 7000 personnes sont portées disparues. Quand cette folie meurtrière va-t-elle cesser ? Quand les puissants de ce monde auront-il le courage et l’intégrité pour s’opposer à l’horreur absolue et faire en sorte que cela cesse, de quelque côté que ce soit ?
Je ne peux m’empêcher de penser à tous ces peuples moribonds sur la planète et terriblement oubliés par les pays qui, eux, ont eu la chance d’être préservés du pire… (Jusqu’à quand ?) Au Yemen, en Afghanistan, au Burkina Faso, en Somalie, au Soudan, en Birmanie, au Nigeria, en Syrie… Comment est-il possible qu’en 2023, on recense encore 8 guerres majeures et plusieurs dizaines de conflits armés sur la Terre, elle même en souffrance de par la folie des hommes ?
Peut-on légitimement parler de « civilisations du XXIème siècle » ?
Alors, il y a la migrance, des femmes, des hommes, des enfants, des vieillards, qui fuient la guerre, la pauvreté, la terreur, le climat, une sorte de fuite en avant, vers l’inconnu… vers « l’inaccessible étoile » , comme disait le grand Jacques.
A partir de cet épouvantable bilan, comment peut on imaginer que des « responsables politiques » , en France, pays des Droits de l’Homme, aient proposé, ou voté la Loi Immigration ? Il y avait certainement une Loi (une Loi de plus !) à faire pour corriger de graves dysfonctionnements, mais avec discernement.
Au lieu de ça, cette Loi a pris racine sur le terreau de l’intolérance ordinaire, de l’ignorance, de la récupération politicienne primaire, des alliances suspectes qui se nourrissent de projections électoralistes, d’intérêts privés et d’obscurantisme.
Cette Loi est une honte, et les parlementaires qui l’ont voté sont médiocres. Car elle rompt avec les traditions humanistes d’accueil, au carrefour des cultures, dont la République pouvait s’enorgueillir. Elle renforce la précarité des sans-papiers et leur répression, facilite leur expulsion plutôt que leur régularisation pour un accueil digne dans une Europe solidaire. Si les étrangers, les sans-papiers, les migrants dérangent aujourd’hui, c’est parce que nous n’avons pas su les accueillir, les secourir dignement, ce qui leur aurait permis une nécessaire intégration et ce qui aurait permis aussi de combattre certaines dérives…
Dénuée de toute Humanité, cette Loi supprime aux étrangers les droits sociaux les plus élémentaires. Elle dissuade les personnes étrangères de suivre des études en France, quand chacun sait que le rayonnement de la France en dépend !
C’est une Loi inculte, parce qu’elle ignore que la richesse intellectuelle, comme économique et le progrès sociétal, comme écologique, doivent se nourrir de l’indispensable pluralité et de l’interculturalité qui permettent une « aptitude à lire le monde » (au sens de Paolo Freire).
C’est être médiocre et prétentieux que de penser qu’un bout de cette Terre vous appartient. C’est être médiocre que de récupérer le sentiment d’insécurité, née de l’indigence des gouvernants, à des fins bassement politicardes.
Nous ne pouvions pas échapper, tant il y a eu publicité, il y a quelques jours, à une émission de télévision, en hommage à Jacques Brel. Quand tous ces artistes ont repris ses chansons, avec nostalgie, quand toutes ces personnalités ont vanté le génie du Grand Jacques… Quelle belle unanimité et j’en étais ! Mais à trop s’approprier son héritage, là encore par l’émotion qui fait vendre, on peut oublier malheureusement la force intellectuelle du message « Rêver un impossible rêve… Aimer jusqu’à la déchirure… Pour atteindre à s’en écarteler… Pour atteindre l’inaccessible étoile. »
En ces moments de fête, je ne peux m’empêcher de penser à ces jeunes, ces familles, ces retraités, qui sous-vivent, qui survivent aujourd’hui en France, parce qu’on les a abandonnés, eux aussi. Le coût de l’essentiel, du vital , de la premier nécessité a explosé cette année, les matières premières, la nourriture, le logement, le gaz, l’électricité, l’eau, le carburant… Ce gouvernement a privilégié les banques, qui aujourd’hui décident de tout et font ingérence au quotidien dans la vie des entreprises et des personnes. On ne prête qu’aux riches et la société s’est ainsi engagée dans une spirale infernale, dans laquelle les pauvres en France sont légions, plus nombreux et plus pauvres qu’avant et n’ont plus le minimum à vivre dignement. C’est le règne du profit et de l’inhumanité.
Je ne peux m’empêcher de penser aussi à toutes ces victimes de petites incivilités, comme de faits graves, à ces personnes en danger qui ne trouvent ni secours, ni assistance dans notre société aujourd’hui, parce que la police les dissuade de porter plainte et que le Procureur classe sans suite, pour booster les statistiques…
Je ne regarderai pas, je n’écouterai pas le Président de la République en ce soir de 31 décembre. Il y a longtemps qu’il n’est plus crédible … et puis l’électricité coûte trop cher pour la gaspiller, même en bruit de fond.
Je vous souhaite une meilleure année 2024 et, dès demain matin, la résistance citoyenne et humaniste à ce monde en déliquescence devra reprendre. Sinon, toutes les belles formules utilisées par chacun d’entre nous à l’occasion de cette nouvelle année, ne seront que vaines, voire insincères.
Prenez soin de vous et de ceux qui vous entourent.
Hervé Féron.
Maire de Tomblaine.