Vous qui fréquentez régulièrement mon site herveferon.fr, seul véritable moyen de communication que j’aie pour vous informer, vous connaissez depuis longtemps ma position quant à l’accueil des personnes étrangères et en particulier à l’occasion des grands flux migratoires…

Comme de nombreux autres élus, j’ai reçu il y a quelques jours un courrier signé par pas moins que cinq Ministres (!) qui nous invitent à participer à l’accueil de familles ukrainiennes, dans ce contexte de guerre qui émeut, bien sûr, toute la France. J’ai donc adressé à Monsieur le Préfet de Meurthe et Moselle un courrier, doublé d’un mail pour dire ce qu’en tant que Maire je pense et ce que je vis. Je ne souhaite en aucun cas donner des leçons à qui que ce soit, mais il me semble qu’il se présente à nous une extraordinaire opportunité, avec l’élan de générosité et la grande sensibilisation des Françaises et des Français au drame ukrainien.

Ce courrier est donc une contribution, il se veut propositionnel et je trouverais dommage qu’il reste, comme d’habitude, lettre morte, c’est pourquoi je le partage aujourd’hui…

« Depuis plusieurs décennies, les maires manquent de reconnaissance et de soutien de la part de l’État, avec en particulier la diminution des dotations et la confiscation de leurs domaines de compétences et de leurs moyens d’agir sur leurs territoires en proximité et avec discernement. 
Aussi, sont-ils réduits de plus en plus à l’état de simples exécutants… Il est de bon ton de dire (on l’entend régulièrement) qu’il y aurait trop de  Communes en France…

Par contre, dès qu’il y a une situation de crise dans ce pays, on en appelle au savoir-faire des Maires, ce fut le cas par exemple après les attentats du Bataclan, lorsqu’il a fallu organiser des débats avec les gilets jaunes ou encore pendant la crise sanitaire…

Le problème, c’est que l’on fait appel aux maires, mais qu’ensuite on ne les accompagne pas du tout, voire même, on ne tient pas les promesses qui leur sont faites, alors ils hésitent à s’engager…

Pour les grands flux de réfugiés, j’avais fait, il y a longtemps, une proposition.

On constate dans nos villes et nos villages qu’il y a des personnes étrangères en situation légale ou non, avec des histoires diverses, mais dont les conditions de vie et d’accueil sont toutes aussi misérables.
Pour qu’elles obtiennent le droit de vivre en France et par conséquent des papiers, on leur demande des choses impossibles, comme par exemple des papiers que ces personnes ne peuvent pas obtenir de leur pays d’origine puisqu’elles l’ont fui… On leur demande aussi de bien maitriser le français et pour cela il existe des associations qui proposent des cours de français, mais qui n’ont pas assez de moyens. Les cours sont trop rares et les places insuffisantes. Ces difficultés créent un sentiment de rejet et d’inquiétude permanente qui ne favorisent pas une quelconque intégration.
Les rendez-vous en Préfecture sont de plus en plus difficiles à obtenir, les délais dépassent la durée de validité des papiers provisoires, mettant, de fait, ces personnes en situation irrégulière. Lorsque le rendez-vous est obtenu, la personne est reçue dans un bureau austère, en face à face avec un fonctionnaire de la Préfecture (tout cela manque de chaleur et d’humanité). Pendant l’entretien, le fonctionnaire utilisera un ou deux mots qu’aucun français n’utilise dans ses conversations usuelles. La personne étrangère sera en panique et on écrira 
qu’elle ne maitrise pas le français.

On peut me dire que j’exagère, c’est malheureusement la réalité. Quand ces personnes veulent travailler, ce n’est pas possible parce qu’elles n’ont pas de papiers. Quand elles veulent des papiers, ce n’est pas possible parce qu’elles n’ont pas de travail…

Nous vivons dans un pays dans lequel, lorsqu’une personne intégrée parfaitement (je pense à ce sportif à Nancy récemment qui encadre des jeunes en formation) doit quitter la France parce qu’un juge en a décidé ainsi, il n’est pas possible de revenir en arrière : l’administration est impuissante, l’opinion publique ne pèse pas, les élus de la République n’ont rien à dire face à cette lugubre décision.

Enfin, je trouve inadmissible qu’il y ait encore au XXIème siècle en France des enfants qui fréquentent assidument l’École de la République et qui y réussissent même, mais qui y viennent le sac au dos et la boule au ventre, parce qu’ils angoissent, ils craignent d’être interpellés à la sortie de l’école par des gendarmes devant leurs petits camarades, pour être emmenés en centre de rétention.

C’est une triste réalité. Je ne condamne personne, parce que ce qui est terrible, c’est que personne n’est responsable. La responsabilité est collective. Mais, je pense que nos fonctionnements, nos systèmes, la technostructure ont dérapé depuis longtemps. 
Si la France se prétend encore terre d’asile, c’est d’un asile de fous dont on parle. 

A plusieurs reprises l’État s’est tourné vers les Maires pour tenter de trouver des solutions d’accueil en cas de grands flux migratoires, ce fut le cas pour la Syrie, pour l’Afghanistan, pour les migrants du climat… C’est le cas aujourd’hui pour le drame ukrainien.

 

La proposition qui est la mienne depuis longtemps :

Il faut organiser structurellement la possibilité pour la France de redevenir humaine, humaniste, accueillante.
Il faudrait que l’État lance « un appel solidaire » aux Communes de plus de 5000 habitants. En lançant un appel, sans légiférer, on n’oblige pas, on propose. Et si l’État s’engage alors avec les Communes, de nombreuses Communes
s’engageront volontairement, généreusement, solidairement.

Si chacune de ces Communes accueillait a minima cinq familles de réfugiés, cela nous donnerait une capacité d’accueil de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Il ne faut pas proposer d’accueillir cinquante familles à la fois, car cela reconstituerait des ghettos, ce serait l’assurance d’une non-intégration qui générerait du rejet. De même il ne faut pas proposer d’accueillir une famille seule, elle serait isolée, perdue…

Trois, quatre, cinq familles qui vivent à proximité les unes des autres se connaissent s’entraident et se tournent plus facilement vers le pays qui les accueille.

Dans toute Communes de plus de 5000 habitants on peut trouver cinq logements à mettre à disposition. Pour cela, il peut y avoir des partenariats, des conventions, avec des bailleurs sociaux ou des propriétaires privés. A condition que l’État, qui est demandeur, apporte son soutien. Soutien financier et facilitateur sur le plan administratif… Il s’agit d’une situation exceptionnellela réponse doit être exceptionnelle.
Les communes et leurs CCAS vont aider ces familles à se meubler, à se nourrir, à se soigner, à scolariser immédiatement les enfants. L’État et les collectivités
qui en ont compétences devront aider soutenir financièrement les Communes et être aussi facilitateurs vis à vis des Communes qui seront au cœur de chaque dispositif. Chacun devra être acteur de ce dispositif.

Et puis, il faudra que les Maires puissent être entendus lorsqu’ils accompagneront ces personnes pour qu’elles obtiennent des papiers pour pouvoir travailler et vivre dignement, sans être assistées. Chacun sait que de nombreux chefs d’entreprises recherchent des employés. Des milliers d’emplois sont disponibles immédiatement dans notre pays. 

Tout cela est possible, rien n’est utopique dans ces propositions. Sauf que les Maires ne peuvent pas agir seuls et n’agiront pas s’ils sont seuls.

Je propose que la Ville de Tomblaine soit terre d’expérimentation dans les jours qui suivent. A partir d’une invitation à une table ronde, une convention serait signée avec l’Etat, la Communes, des bailleurs sociaux et pourquoi pas le Conseil Départemental et le Conseil Régional pour que chacun mobilise les moyens et les bonnes compétences dans leurs domaines de prérogatives respectifs. La Commune de Tomblaine pilotera le dispositif. Nous aurons à trouver ensemble dès que possible cinq logements, la solidarité de la population et les aides publiques faciliteront l’aménagement des familles. Les enfants seront scolarisés au plus vite. Un accompagnement de proximité pour ces familles sera mis en place via le CCAS, en lien avec tous les services et collectivités qui ont compétence en la matière. 
Je propose qu’une première évaluation  du dispositif soit faite dans trois mois. 

Je me déclare immédiatement disponible pour en discuter.« 

Hervé Féron
Maire de Tomblaine
Ancien Député
Vice-Président de la Métropole du Grand Nancy.