Hervé Féron est l’auteur d’une Proposition de Loi instituant des obsèques civils, déposée officiellement sur le Bureau de l’Assemblée Nationale le 9 décembre dernier.

Vous trouverez ci-dessous l’interview accordé par Hervé Féron au site Fait-religieux.com au sujet de cette proposition.

 

Bientôt des funérailles laïques ?

Des députés socialistes ont déposé une proposition de loi en faveur de funérailles laïques, en partie gratuites. Quels sont les enjeux politiques, sociétaux et financiers d’une telle réforme ? État des lieux.

Les cérémonies d’obsèques laïques vont être débattues à l’Assemblée nationale. Des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) ont déposé le 10 décembre une proposition de loi pour que les municipalités, si elles disposent des infrastructures nécessaires, puissent mettre à disposition des familles des salles adaptées pour organiser des funérailles laïques sans cérémonie religieuse. Un officier d’état civil ou un représentant de la municipalité pourrait procéder à la cérémonie.

Un vrai besoin des familles

Dans l’exposé des motifs, les députés soulignent : « Jusqu’alors, seules les pompes funèbres jouaient un rôle clef dans ce type de cérémonie ». Ils estiment qu’au même titre que les baptêmes ou mariages, « La République française se doit de prendre en charge […] un rite propre pour commémorer la mort de ses citoyens ». Les élus estiment ainsi « répondre aux besoins exprimés par de très nombreuses familles ».

Hervé Féron, député-maire socialiste de Meurthe et Moselle à l’origine de la proposition de loi explique qu’il a été confronté à cette question dans sa ville de Tomblaine : « Au cimetière municipal, nous disposons d’une salle de recueillement. Elle est peu utilisée, mais elle a déjà été mise à disposition des familles. Les obsèques républicaines existent déjà. Mais comme cette possibilité n’est pas inscrite dans la loi, les personnes ne le savent pas ».

Contacté par Fil Expert, François Michaud-Nérard, directeur général des Services funéraires de Paris et auteur de deux livres au sujet de la mort et des obsèques, décrit également un besoin : « De plus en plus de gens ne sont ni croyants ni pratiquants. Dans le même temps, de plus en plus de familles ont des origines culturelles multiples dont le dénominateur commun est la cérémonie laïque ». « Au crématorium du Père Lachaise, 83% des familles ne passent pas par un lieu de culte. 60% n’effectuent aucun geste religieux », précise-t-il. Une situation qu’il qualifie de particulière à Paris par rapport à la province.

Dans le cas particulier des inhumations, il souligne qu’« il n’y a aucun lieu et pas de maître de cérémonie laïque ». La peur d’un enterrement sans geste de séparation, d’un transfert direct du corps depuis la chambre funéraire à la fosse est très présente. A contrario « les crématoriums sont équipés de salles où la famille peut se recueillir ».

La collectivité doit-elle prendre en charge les cérémonies laïques ?

Pour Hervé Féron, le dispositif est dans l’intérêt des familles et peut même s’ajouter à des cérémonies religieuses, à l’instar des baptêmes républicains : « Des parents effectuent des parrainages républicains et vont parfois ensuite procéder à un baptême religieux. » Il souligne que les obsèques laïques ne sont pas anti-religieuses, mais servent plutôt à offrir un espace et un moment de recueillement à chaque citoyen qui le souhaite : « Je pense aux familles musulmanes dont beaucoup décident de rapatrier les corps des défunts. Ces personnes ont des familles, des amis. On peut aussi organiser une cérémonie d’obsèques laïques avant le transfert du cercueil »

Pour François Michaud-Nérard, la réponse est plus nuancée : « Je milite pour des cérémonies qui donnent du sens. Tout est prévu pour les mariages civils, les baptêmes laïques, rien pour les obsèques. La loi viendrait combler le vide du rien ». Il n’est pas pour autant très favorable à la gratuité totale : « Je crains que la charge financière ne pèse sur les municipalité et qu’elles soient par conséquent peu favorables aux obsèques laïques. Dans le cas d’une cérémonie religieuse, les croyants font un don aux prêtres ou aux rabbins par exemple. Pourquoi ne pas opter pour le même principe, modulé selon les revenus des personnes, pour les cérémonies laïques  ? » Il appelle à une solution intermédiaire : des équipements publics dans lesquels œuvrent des maîtres de cérémonie spécialement formés.

Des complexes funéraires

Pour procéder à des funérailles laïques, les collectivités doivent être équipées d’une pièce en rez-de-chaussée qui donne sur la voie publique, d’une capacité d’accueil suffisante. De nombreuses villes ont fait construire des complexes funéraires, qui regroupent des fonctions techniques (crématorium et chambre funéraire par exemple) et des fonctions d’accueil, notamment à Strasbourg, Brest, Tours, Montpellier. A Paris, la maire socialiste Anne Hidalgo a proposé de mettre en place ce type de bâtiment soulignant que le crématorium et le columbarium du Père Lachaise sont saturés.

Ces dispositifs peuvent s’équilibrer financièrement selon François Michaud-Nérard. Pour ce faire, la collectivité pourrait compter sur une participation financière de la famille, mais aussi sur les taxes propres aux obsèques qui existent déjà (elles varient de quelques euros à plusieurs centaines selon les villes) et pourraient être révisées.

Par ailleurs, à Paris, les cérémonies laïques coûtent sensiblement moins cher que les offices religieux. Les services d’un maître de cérémonie coûtent entre 100 et 200 euros, contre 280 pour une messe à titre indicatif.

« Zéro centime »

Pour le député Hervé Féron, les obsèques laïques ne doivent pas effrayer les mairies : « Elles ne coûteront rien. On ne demande pas des lieux spécifiques, il s’agit de mettre à disposition des salles existantes, adaptées, qui servent habituellement à d’autres usages. Le débat à l’Assemblée permettra d’expliquer le texte de loi. Les petits villages ne seront pas contraints de construire des salles ». Il cite l’exemple des salles des fêtes ou des mariages, dont les frais d’usage (chauffage, électricité) sont d’ores et déjà assurés par les municipalités et peuvent être prêtées le temps d’une cérémonie. Le député-maire souligne que « toutes les familles ne demandent pas des obsèques laïques », la proportion de ce type de funérailles reste assez faible.

Qui sont les maîtres de cérémonie ?

Dans les services de pompes funèbres, les maîtres de cérémonie sont généralement des ordonnateurs. Ils accompagnent la famille dans les déplacements lors des offices et au cimetière ou au crématorium. François Michaud-Nérard plaide pour un rôle plus important : celui d’accomplir des gestes rituels qui « donnent du sens ». Il souligne : « En Belgique, il existe des officiants spécialisés qui sont payés par l’Etat. Le problème de la légitimité à s’adresser au nom de la société (avec un grand S) ne se pose donc pas, contrairement à un employé d’une société privée de pompes funèbres ».

Pour conduire une cérémonie laïque, les maîtres de cérémonies pourraient donc être mieux formés à effectuer « un rituel et une personnalisation » propre à ce type de cérémonies. Actuellement, ils doivent suivre une formation théorique d’une soixantaine d’heures complétées par un stage pratique d’une durée équivalente.

Liberté de choix

La proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale ne mentionne pas ces professionnels, leur préférant « un représentant de la commune » ou un officier d’état civil. Pour le député Hervé Féron, la question de leur formation n’est pas vraiment un problème : « La cérémonie est à discuter avec la famille. aujourd’hui, pour les mariages, il existe un protocole mais pas de formation. L’officier d’état civil peut être un ordonnateur qui permet à la famille d’organiser un temps de recueillement ».

Il était plutôt partisan d’un protocole institué par décret sur le modèle de celui des mariages, mais cette idée n’a pas fait consensus parmi les élus qui ont cosigné le texte de loi. Dans tout les cas, Hervé Féron martèle que la proposition de loi va dans le sens « du respect des gens » et de « leur liberté de choix ».

Dans le contexte actuel, après la bataille des crèches de Noël, il explique effectivement vouloir « réaffirmer la loi de 1905, mais pour la vivre intelligemment. La laïcité, c’est respecter les convictions philosophiques et religieuses des personnes ».

« Même si la loi ne passe pas, elle aura le mérite de sensibiliser les élus à la question des obsèques laïques », souligne François Michaud-Nérard. De son côté, Hervé Féron n’a pas d’inquiétude : « Au départ, j’étais très seul sur cette proposition de loi. mais beaucoup de députés ont voulu cosigner la proposition. Je pense qu’elle ne rencontrera pas d’opposition forte ».