Responsable pour le groupe Socialiste, Républicain et Citoyen sur la Proposition de Loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, Hervé Féron est intervenu ce matin en séance publique pour soutenir ce texte, rappelant le comportement inacceptable de certaines municipalités et la situation des familles dont les ressources financières les contraignent à désinscrire leurs enfants de la restauration scolaire.

 


Intervention d’Hervé Féron en séance publique… par herveferon

 

Retranscrit de l’intervention d’Hervé Féron :

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la Rapporteure,

Chers collègues,

La Proposition de Loi qui nous est présentée lève le voile sur les pratiques scandaleuses qui ont cours dans certaines communes françaises et propose, pour y mettre fin, d’inscrire dans la loi le principe du droit d’accès à la restauration scolaire dès lors que ce service public facultatif est mis en œuvre dans la commune, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales. Elle répond en cela à une demande de certaines associations de parents d’élèves, lasses de faire le constat de l’attitude de municipalités qui établissent des critères discriminants pour procéder à des sélections illicites, à l’image de celles qui refusent l’accès à la restauration scolaire aux élèves dont au moins un des parents est en situation de chômage.

Elle fait également suite au rapport de Dominique BAUDIS qui, Défenseur des Droits en 2013, recommandait que « le service public de la restauration scolaire soit ouvert à tous les enfants dont les familles le souhaitent ».

La liste des textes nationaux et internationaux prohibant ce genre de discriminations étant longue, j’attirerai simplement votre attention sur un point qui me tient particulièrement à cœur et pour lequel j’avais sollicité avec le Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant, le COFRADE, la création d‘une mission interministérielle : je veux parler de la situation misérable dans laquelle se trouve un nombre toujours plus important d’enfants en France.

Comme on peut le lire dans l’exposé des motifs de la Proposition de Loi à l’étude, 1 enfant sur 5 vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté dans notre pays. Cela représente 440.000 enfants de plus qu’en 2008, date approximative du début de la crise économique dont les effets se font toujours ressentir aujourd’hui. Souvent, pour ces enfants, le repas servi à la cantine représente le seul véritable repas équilibré de la journée. Dans ma circonscription, j’ai eu connaissance de plusieurs cas dramatiques de ce genre, qui nous rappellent à quel point notre pays va mal. Réaliser des économies sur le dos des plus précaires comme le font certaines municipalités n’est pas seulement illégal, c’est une double peine et c’est ce qui a motivé la rédaction de cette Proposition de Loi.

A notre époque, il n’est pas rare que des familles dans nos quartiers, dans notre rue, à proximité de chez nous, fassent le choix de ne plus partager qu’un seul repas par jour car elles n’ont plus les moyens de se nourrir correctement. Trop souvent, cela est ignoré des proches, des enseignants, des travailleurs sociaux, des élus. Trop souvent, cela est terriblement banalisé, c’est malheureusement une réalité dans la société d’aujourd’hui, réalité qu’il nous appartient de prendre en compte quand ce sont les enfants les premiers qui en sont les victimes. Ainsi, lorsqu’une famille sollicite le CCAS pour une aide alimentaire d’urgence, si le Maire, Président du CCAS, demande à ses services de regarder cela de plus près, il n’est pas rare que la même famille ait à la même époque désinscrit son enfant ou ses enfants de la restauration scolaire. Cela discrètement par honte de devoir arrêter la fréquentation de ses enfants à la restauration scolaire pour faire des économies. Il arrive donc parfois que le Président du CCAS débloque une aide alimentaire d’urgence qu’il accompagne par ailleurs d’une prise en charge gratuite pour 1 mois, 2 mois, 3 mois de la restauration scolaire pour les enfants de cette famille, même si cela n’a pas été demandé par la famille. Est-ce de la bienveillance ? Est-ce de la gestion de proximité ? C’est en tous les cas une mesure de protection sociale et l’on voit bien là que ce service public facultatif n’a pas que pour mission de proposer des repas mais au-delà de cela, des repas équilibrés, régulièrement. Il y a là une véritable fonction sociale par le service de restauration scolaire. Très souvent, la participation demandée aux parents coûte nettement moins chère que le coût réel de fabrication du repas. On sent bien là aussi qu’il y a dans l’action publique une volonté d’accompagnement social. Par conséquent, le fait même de refuser un service public mis en œuvre à des enfants sous prétexte que l’un des parents serait au chômage est une aberration.

Sur un tel sujet, les questions éthiques sont, nous le voyons, évidentes mais elles ne sauraient occulter un autre aspect du débat, plus pragmatique, qui n’en reste pas moins primordial, je veux parler des difficultés financières auxquelles font face un grand nombre de communes actuellement. En effet, les municipalités ayant fait le choix de la compétence restauration scolaire, doivent aujourd’hui déployer des moyens financiers conséquents pour faire face à la demande, qu’il s’agisse de mettre en place un double service ou encore d’agrandir ou de rénover des locaux pouvant être anciens. Il faut louer les efforts des communes qui choisissent de mettre en œuvre ce service public facultatif, qui parfois trouvent des solutions en rivalisant d’ingéniosité : ainsi, dans le XIIème arrondissement de Paris, on transforme les préaux ou autres espaces vacants en cantines éphémères ! Et cela m’amène, Madame la Ministre, à attirer votre attention sur la nécessité de conserver des moyens aux communes pour leurs actions de proximité. A l’heure où l’on parle de plus en plus d’une DGF territorialisée, l’inquiétude est grande. Si les communes se voyaient privées de tout ou partie de ces moyens, comment feraient-elles pour faire vivre des politiques publiques adaptées aux difficultés locales car c’est bien de cela dont il s’agit. Lorsqu’un Maire choisit de mettre en œuvre un service public facultatif, c’est parce qu’il adapte le service public aux difficultés locales. C’est aussi le principe de libre administration des collectivités territoriales. Aller trop loin dans la baisse, voire même la suppression de la DGF pour les communes réduirait les Maires progressivement à une situation de notaires, chargés de gérer dans des domaines de compétences obligatoires, cadrés par des budgets si contraints qu’il n’y aurait plus de place pour des politiques publiques de proximité, adaptées, innovantes, imaginatives et volontaristes. Je sais, Madame la Ministre, combien vous êtes attentive à tous ces aspects, c’est pourquoi je me permets à l’occasion de cette Proposition de Loi de vous soumettre ces remarques.

La Proposition de Loi précisait que le droit à la restauration concernait « le midi pour les jours scolaires », ce qui visait précisément le mercredi alors même que toutes les collectivités territoriales n’ont pas créé de service ce jour-là. Lorsque la matinée du mercredi est consacrée à l’école, souvent, les communes n’ont pas prévu de restauration scolaire à midi. Souvent, les enfants rentrent chez eux pour ceux qui, avant la réforme des rythmes scolaires, restaient chez eux le mercredi, ceux qui précédemment fréquentaient le centre de loisirs, très souvent, peuvent, après la matinée d’école, rejoindre ce même centre de loisirs sans hébergement et déjeuner à la restauration du centre de loisirs. Cela fonctionne plutôt bien, il ne nous semble pas qu’il y ait des difficultés majeures. C’est par exemple le cas dans la petite ville de Tomblaine dont je suis le Maire. Si la Proposition de Loi avait obligé à organiser une restauration scolaire le mercredi, le coût supplémentaire pouvait être évalué à 180.000 euros pour l’année. Vous me direz que c’est peu mais cela remettrait en question tout un équilibre budgétaire trouvé difficilement à la suite de la réforme des rythmes scolaires. Le Gouvernement a proposé un amendement de suppression de l’alinéa 3 de cette Proposition de Loi qui a permis de régler ce problème.

Le groupe Ecologiste a présenté à l’article 88 un amendement qui a recueilli un avis favorable de la Commission. Cet amendement vise à permettre aux enfants en situation de handicap ou souffrant de troubles de santé (diabète, allergie ou intolérance alimentaire) de bénéficier de la restauration scolaire. Nous avons donné un avis favorable en Commission car cela nous semble également très important. Mais je souhaiterais à nouveau attirer votre attention sur un dysfonctionnement, Madame la Ministre. Dans un arrêt du Conseil d’Etat de 2011, il est clairement expliqué que l’accompagnement des enfants porteurs de handicap par des AVS doit être pris en charge par l’Etat sur le temps périscolaire. Cet arrêt du Conseil d’Etat ayant été prononcé avant la réforme des rythmes scolaires, la lecture du Gouvernement est que le Conseil d’Etat évoquait là la pause méridienne pendant laquelle a lieu la restauration scolaire. Mais il faut savoir que cela ne fonctionne pas. Lorsque le Ministère de l’Education Nationale est interrogé, il répond qu’il appartient aux parents d’enfants porteurs de handicap de solliciter la MDPH pour qu’elle prenne en charge l’AVS qui accompagnera l’enfant pendant la pause méridienne. Trop souvent, la MDPH n’accepte pas cette prise en charge et les parents comme les communes ne trouvent alors aucune réponse acceptable. J’aimerais que le Gouvernement se penche sur cette question avant la deuxième lecture de ce texte.

Madame la Ministre, le groupe Socialiste, Républicain et Citoyen votera cette Proposition de Loi parce que c’est une Proposition de Loi de bon sens, solidaire et humaniste. Elle n’entend pas ériger ce service public en compétence obligatoire mais vise à créer un droit pour tous les enfants scolarisés à l’inscription à la cantine des écoles primaires lorsque le service existe. Il ne pourra donc être établi aucune discrimination selon la situation de la famille de l’enfant. On est bien là dans la continuité de l’Ecole de la République, on est bien là dans une approche républicaine du service public puisque tous les enfants scolarisés sont à égalité de droit.

J’ajouterai que sur la question des discriminations dans les services publics, il est probable que l’examen du Projet de Loi Déontologie dans les mois à venir nous donne l’occasion d’approfondir ce travail dans cette même optique de garantir une forme d’égalité réelle des droits sur le territoire national.