Conseil de Communauté Urbaine du Grand Nancy
du 10 décembre 2010
Intervention d’Hervé Féron sur le rapport 17

Monsieur le Président,

Il faut avant de parler de cette délibération, faire un peu d’histoire.

Depuis 2001, année où je suis devenu maire, je n’ai eu de cesse de vous interpeller sur le stade Marcel Picot et ses abords, sur les problèmes d’accessibilité en particulier, aménagement de la Plaine de la Méchelle, travaux du précédent permis de construire du stade pas terminés, etc.

Vous m’avez mené de promesses en études et d’études en promesses sans jamais faire avancer ce dossier. Il est d’ailleurs à remarquer que la CUGN a toujours été d’accord avec la ville de Tomblaine sur le fait qu’il serait nécessaire de développer des pôles de stationnement à l’extérieur du site du stade, mais surtout pas à proximité immédiate en raison de l’engorgement actuel constaté lors de chaque match.

Or, la CUGN a permis l’achat par l’ASNL de l’ancien supermarché ALDI en friche et squatté. J’avais alors tiré la sonnette d’alarme, car conformément à ce que nous avons toujours convenu, il n’était pas question de nouveaux parkings à cet endroit. A l’époque, vous m’avez rassuré. Je constate aujourd’hui que l’ASNL a transformé de fait ce terrain en nouveau parking, sans les autorisations nécessaires venant engorger encore plus le secteur Plaine de la Méchelle, alors que de toutes les propositions que j’ai faites depuis des années, aucune n’a été mise en œuvre à ce jour.

Et puis surprise,  un jour de l’été 2009, vous me téléphonez pour m’informer de la visite du président de la Fédération Française de Football à la mairie de Nancy dans le cadre d’une candidature de la ville de Nancy à l’EURO 2016, candidature qui n’avait jamais été discutée auparavant en Conseil de Communauté. Vous aviez besoin de ma caution et j’ai joué le jeu.

Lors de cette réunion, j’ai découvert sur table, un projet d’agrandissement du stade et j’ai soutenu ce projet comme s’il avait été préparé et concerté. Ce jour là, le président ROUSSELOT répondait à la question du président de la FFF en affirmant : « J’ai le financement ». On remarquera qu’immédiatement après cette réunion à laquelle je participais, une conférence de presse était organisée, conférence dont j’étais immédiatement exclu.

Le lendemain, vous faisiez la une de la presse locale et les riverains, nombreux, découvraient ce qui n’avait jamais été discuté et m’interpellaient. J’ai dû monter au créneau pour défendre ce projet auprès des riverains et sécuriser tout le monde. Vous avez probablement compris qu’il serait souhaitable de m’associer au projet. Vous avez même organisé une séance photo à laquelle j’ai participé. Puis, sont arrivées deux délibérations au Conseil de Communauté Urbaine le 25 septembre 2009. Ces délibérations actaient le principe de la participation de la CUGN à la candidature française à l’EURO 2016. J’ai voté pour ces délibérations en conditionnant mon vote au fait d’être copilote du projet, pour participer à la décision qui concerne au premier chef le territoire de ma commune.

La délibération d’aujourd’hui s’appuie sur les délibérations du 25 septembre 2009, sauf qu’en aucun cas, cette délibération n’actait le fait que la CUGN allait être garante ou même allait participer financièrement à l’investissement. Vous êtes donc aujourd’hui en train de nous faire rebondir sur la base de principes qui n’ont pas été actés.

Quelques mois plus tard, le 11 décembre 2009, vous nous avez proposé précipitamment une délibération pour valider le contrat cadre de l’EURO 2016 avec l’UEFA. J’étais intervenu pour dénoncer le diktat de l’UEFA et le caractère complètement illégal de cette délibération. Les élus de gauche avaient unanimement voté contre, mais vous aviez la majorité. Quelques jours après, je vous écrivais mon intention d’engager une procédure au Tribunal Administratif, car il était évident que cette délibération était entachée d’illégalité. Vous m’avez répondu par écrit en actant le fait que je serai copilote de ce projet. Cela me convenait bien car je pouvais ainsi m’assurer de la défense de l’intérêt public et des intérêts des riverains pour lesquels en tant que maire, je représente une légitimité territoriale.

Depuis, vous n’avez pas toujours tenu vos promesses. Parfois, j’ai été bien informé par vos collaborateurs, j’ai parfois participé au travail de réflexion, d’autres fois, j’en ai été exclu. Michel DUFRAISSE a trop souvent joué cavalier seul, en quête d’une tribune, faisant des déclarations intempestives et peu responsables dans la presse, ou ayant des excès d’humeur très inattendus lors de nos dernières réunions de travail.

Aujourd’hui, je ne suis pas rapporteur de cette délibération. Je n’en partage ni les attendus, ni les objectifs et je suis très inquiet d’avoir été exclu de votre dernière rencontre avec le président de l’ASNL car je ne sais pas ce qui a été conclu à cet instant et par conséquent, ce qu’il y a derrière la délibération présente en terme d’intentions.

Cette délibération est dans ses conclusions parfaitement impossible, vous le savez très bien. Je vais vous le démontrer et je ferai une contre proposition. Notez que ma position initiale n’a pas changé, je suis favorable à l’agrandissement du stade dans le cadre de l’Euro 2016, mais sur la base de ce qui nous avait été présenté : investissement exclusivement  privé, dossier évalué raisonnablement, fonctionnement dans le respect de la loi. Mais cela est impossible techniquement, financièrement, juridiquement et légalement. Par contre, il me semble que cette délibération a deux buts, le premier but :

–         alors que vous avez fait des effets d’annonce, pressé peut-être par les reproches de Michel PLATINI émis à votre encontre parce que vous n’avez pas été candidat à la Coupe du Monde, alors que vous n’avez pas évalué les conséquences de ces effets d’annonce, il vous faut aujourd’hui faire bonne figure et montrer aux amoureux du football et à l’ensemble des observateurs que vous essayez de faire quand même, alors que vous savez pertinemment que c’est techniquement, matériellement, financièrement et juridiquement impossible. Vous tentez de sauver la face.

Le deuxième but :

–         C’est de rapporter une partie de la cause de l’échec sur le Conseil Général et le Conseil Régional, car vous le savez très bien, en proposant de solliciter ces deux collectivités, elles ne mettront pas un centime sur ce projet parce que leurs élus sont responsables, parce que dans un contexte difficile de transfert de charges de l’Etat sans compensation, de difficultés croissantes en terme de chômage et de baisse du pouvoir d’achat dans le département ou la région, il serait irresponsable de mettre un centime d’argent public sur un projet qui a été largement annoncé comme étant un projet d’investissement privé.

Pourquoi ce projet est ainsi impossible :

Il a été annoncé dès le départ en investissement privé en juillet 2009 quand le président de la Fédération a posé la question, le président de l’ASNL a répondu : « J’ai les financements ».Le 14 janvier 2010, dans le journal « Le Parisien », Jacques ROUSSELOT affirme : « Je paierai personnellement l’agrandissement du stade, j’ai les 60 millions, j’ai vendu des centres Leclerc ». Or, depuis le début, les banques ont toujours dit dans une période d’après-crise financière, nous ne pourrons nous engager sur un prêt d’une telle ampleur et d’une telle durée que si il y a garantie par l’Etat ou les collectivités publiques.

Vous le savez depuis le début et le président ROUSSELOT le sait aussi depuis le début. Pour ce qui concerne l’Etat, il n’en a jamais été question et le ministère est clair, il n’en sera pas question. Nicolas SARKOZY a annoncé 153 millions d’euros pour les collectivités sur lesquels étaient fléchés 8 millions d’euros pour la CUGN (et donc pas pour l’investisseur privé). Pour ce qui concerne la collectivité CUGN, la loi ne lui permet pas, ni de participer financièrement, ni de garantir l’investissement privé.

Après avoir travaillé avec sérieux sur les différentes possibilités et démontré que le PPP par exemple coûterait 11 millions d’euros par an à la CUGN, vous êtes revenu à la seule possibilité : le Bail Emphytéotique Administratif, mais le président de l’ASNL n’a jamais eu la moindre intention d’avancer quelque somme que ce soit, ni personnellement, ni au nom de l’ASNL.

Il a depuis le début prévu de réaliser un emprunt pour rembourser ensuite dans des conditions que je vais vous démontrer impossibles. Il faut savoir que depuis des années, nous demandons à voir une lecture claire de financement à la CUGN à l’ASNL. Les financements croisés sur diverses lignes rendent l’opération difficile. Nous savons aujourd’hui que la CUGN verse beaucoup plus que la somme de 1 514 800 euros en subvention annuelle affiché dans le CA 2009.

Si l’on regarde les choses de plus près, il faut y ajouter pour 2 236 000 euros, les charges d’exploitation, la mise à disposition de personnels communautaires et également une compensation de transferts de charges de la ville de Nancy (tiens, tiens !) pour 78 000 euros. Il faut également tenir compte de l’annuité pour 9 ans encore concernant les derniers travaux engagés par la CUGN pour le stade Marcel Picot à hauteur de 1 540 000 euros.

Ce qu’il faut retenir, c’est le total constaté au CA 2009, l’ASNL coûte à la CUGN 5 290 800 euros par an. La réalité de la situation est que la CUGN est propriétaire du stade. L’ASNL lui loue le stade. Le loyer annuel, Mesdames, Messieurs, chers collèges, est de 150 000 euros, comparez cela aux 5 290 800 euros annuels et l’ASNL n’arrive pas à verser ces 150 000 euros par an. Pour rattraper son retard, elle doit verser aujourd’hui 210 000 euros à la CUGN.

La réalité, c’est aussi que l’ASNL loue les locaux du stade Marcel Picot qui ne lui appartiennent pas pour des activités extra-sportives à des privés (par exemple : l’anniversaire de l’épouse d’un élu nancéen, ou encore pour des séminaires). Cela lui rapporte aux environs de 450 000 euros par an. Il me semble que cela est illégal. Il y a donc urgence à modifier ce fonctionnement.

Ce que je viens de dire, c’est la situation actuelle. Maintenant pourquoi est-ce que les choses sont impossibles ? Techniquement, le projet qui nous avait été présenté, prévoyait un toit amovible. Il représenterait un surcoût des 20 millions d’euros et il n’est pas homologable par l’UEFA (demandez au club de Lille qui avait le même projet). Techniquement, de nouvelles normes font que dès qu’un stade atteint 30 000 places (or, pour l’EURO 2016, il fallait s’engager sur 30 000 places, Nancy s’est engagé sur 32 000 places), à partir de 30 000 places, il faut prévoir un dégagement depuis les gradins de 18 m tout autour du stade. J’ai fait mesurer du pied des gradins à la limite de propriété de la caserne des pompiers, il y a 18,50 m. Cela signifie que si vous voulez être candidat à l’EURO 2016, il faut, soit attaquer la caserne des pompiers, soit supprimer les trottoirs et voies d’accès pour 3000 élèves qui se rendent à la cité scolaire.

Juridiquement maintenant, les choses sont impossibles parce que la loi ne permet pas aux collectivités, ni de garantir, ni de participer financièrement à l’investissement privé. Les banques elles n’envisagent de prêter que s’il y a garantie complète des collectivités. Dans une réunion au ministère début octobre, on nous a présenté un texte document de travail sur lequel on nous a demandé surtout de ne pas communiquer, étant donné la fragilité de la démarche. Ce qui a commencé à me fâcher quand le lendemain, Michel DUFRAISSE s’appropriait le projet de ce texte dans la presse et la radio.

Ce projet de projet de loi nous a été présenté comme n’étant pas encore passé à la moulinette interministérielle; encore pas soumis à l’avis du Conseil d’Etat et surtout encore pas présenté à Bercy. On nous a annoncé début octobre que dans le meilleur des cas, ce projet de loi pouvait venir à l’ordre du jour à l’Assemblée Nationale deuxième quinzaine de décembre. A l’époque, je vous ai écrit que cela rendait impossible tout projet, parce que la Fédération demande aux villes de confirmer leur candidature avec le montage juridique et financier avant fin janvier.

Le calendrier annoncé me paraissait impossible, or, nous sommes en décembre, je viens de regarder attentivement l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale qui nous mène jusqu’au 12 janvier 2011, aucun texte de ce type à ma connaissance est à l’ordre du jour. Alors, rêvons un peu ! Le projet de loi arrive et les choses peuvent se débloquer. Il y a en droit français un élément qu’il ne faut pas oublier : une collectivité ne peut pas garantir à plus de 50 % un investissement privé. Continuons à rêver ! On change cette loi. Le droit européen contraint encore plus ce pourcentage. Les banques n’accepteront donc jamais un prêt aussi important avec aussi peu de garantie. Ce qui m’inquiète beaucoup plus par ailleurs, c’est que nous avons essayé de travailler sur une hypothèse où l’ASNL, bénéficiant d’un BEA, empruntait et donc la CUGN n’entretenait plus le stade et ne mettait plus à disposition de personnel. La CUGN pouvait alors, c’était ma proposition, continuer à verser annuellement sous forme de subvention, les 2 129 000 euros qu’elle ne dépensait plus en entretien du stade et mise à disposition du personnel.

Si un jour, l’ASNL emprunteur faisait défaut, la garantie tomberait et la CUGN ne verserait plus alors cette subvention à l’ASNL, mais l’utiliserait pour assumer cette garantie. Dans cette hypothèse, la CUGN n’augmenterait pas sa participation globale de 5 290 800 euros annuellement à l’ASNL. Ce qui m’inquiète, c’est  que dans de récentes réunions, Michel DUFRAISSE ait proposé de faire autrement sans que nous ne soyons concertés et je crains qu’il y ait là l’intention de la part de la CUGN de participer à cet investissement privé d’emblée, en versant tout d’abord les 8 millions promis par l’Etat à l’ASNL, mais en y ajoutant 10/15 ou 20 millions que la CUGN emprunterait. Le niveau d’endettement de notre collectivité ne nous le permet pas, cela n’est pas raisonnable.

La façon peu précise dont est écrite cette délibération laisse la porte ouverte à toutes ces éventualités. Nous sommes donc clairement en désaccord, mais allons un peu plus loin, si l’on abandonne l’idée du toit amovible , deux possibilités s’offrent à nous. On est toujours en H.T.. Un projet avec toit fixe qui coûte 63 millions, un autre sans toit qui coûte 55 millions. Si la CUGN verse les 8 millions de l’Etat à l’ASNL, il lui reste à emprunter 47 millions dans la version sans toit.

47 millions empruntés sur 25 ans représenterait à 4 %, une annuité de 3,1 millions pour l’ASNL. Il faut y ajouter l’entretien et grosses réparations estimés à 1 million par an, ce qui fait au total 4,1 millions par an, alors que je vous disais tout à l’heure que l’ASNL n’arrivait pas à payer les 150 000 euros annuels. Ce projet n’est pas sérieux, pas équilibré, mal évalué.

Le président de l’ASNL estime que dans un stade agrandi, il pourrait organiser des manifestations extra sportives qui généreront de nouvelles recettes :

1)      C’est un autre métier que le sien.
2)      Il n’y a plus beaucoup de chanteurs en France ou à l’étranger, capables de remplir un stade.
3)      Avant même que de générer 4,1 millions de recettes, il se passera quelques années.

Voilà pourquoi, la délibération que vous nous proposez est impossible maintenant.

Parlons un peu de l’EURO 2016, à aucun moment, vous n’avez évalué l’impact :

–         Qu’est ce que ça va coûter à la CUGN ?
–         Qu’est ce que cela va rapporter en terme de rayonnement, en terme économique ou social à la CUGN ?
–         On sait que cela signifierait l’organisation de 4 matches de poule seulement au stade Marcel Picot. Il y aurait par contre obligation de diffuser tous les autres matches de l’EURO sur grand écran au centre ville. Vous n’avez pas non plus évalué notre capacité à gérer les flux, les réactions des supporters de chacun des pays concernés.

Je pense donc qu’il n’est pas souhaitable que Nancy soit candidat à l’EURO 2016. Les contraintes et les risques sont beaucoup trop grands. Il me semble qu’en élus responsables, nous devons aujourd’hui tenir cette position.
Dernier élément : l’ASNL a-t-elle besoin d’un stade de 32 000 places aujourd’hui ou demain ? Certainement non. Par contre, il y a urgence à travailler sur les extérieurs sur l’accessibilité, sur un plan cohérent de circulation. L’ASNL a certainement besoin d’un stade plus grand et plus confortable pour diversifier ses activités et nous pouvons très bien travailler sur un planning prévisionnel à un projet véritablement concerté, raisonnablement équilibré pour accompagner l’ASNL sur quelque chose qui ne serait plus de l’ordre de l’irraisonnable.

En conclusion, nous n’allons pas nous opposer à cette délibération, car ce serait beaucoup trop facile pour vous, de porter sur nous le poids de l’échec, mais l’échec est annoncé car les faits démontreront que le projet tel que prévu au départ est impossible.

Je préférerais bien sûr puisque vous êtes majoritaire, que vous nous proposiez de renoncer à la candidature de l’EURO 2016 et de partir sur un autre projet cohérent et responsable. Nous ne participerons donc pas au vote sur cette délibération pour montrer notre profond désaccord, mais pour que vous ne puissiez pas nous utiliser comme opposants de principe.

Hervé Féron