Jean d’Ormesson avait du talent, de la culture, de la classe. L’esprit vif, le verbe aiguisé, l’oeil malicieux, il avait la force du sourire, il séduisait. Je l’ai rencontré plusieurs fois et j’ai moi-même été séduit. Sans tomber dans l’effet de mode, la disparition de ce grand homme de lettres m’attriste sincèrement.
Avec tout le respect que je dois dans ce moment de deuil, je ne peux oublier cette chanson de Jean Ferrat :
« Un air de liberté »

                                

Les guerres du mensonge, les guerres coloniales,
c’est vous et vos pareils qui en êtes tuteurs.
Quand vous les approuviez à longueur de journal,
Votre plume signait trente années de malheur.

La terre n’aime pas le sang ni les ordures,
Agrippa d’Aubigné le disait en son temps.
Votre cause déjà sentait la pourriture
Et c’est ce fumet-là que vous trouvez plaisant.

Ah monsieur d’Ormesson !
Vous osez déclarer
Qu’un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh !

Allongés sur les rails nous arrêtions les trains.
Pour vous et vos pareils nous étions la vermine,
Sur qui vos policiers pouvaient taper sans frein.
Mais les rues résonnaient de paix en Indochine.

Nous disions que la guerre était perdue d’avance,
Et cent mille Français allaient mourir en vain
Contre un peuple luttant pour son indépendance.
Oui vous avez un peu de ce sang sur les mains.

Ah monsieur d’Ormesson !
Vous osez déclarer
Qu’un air de liberté
Flottait sur Saïgon,
Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh !

Après trente ans de feu, de souffrance et de larmes,
Des millions d’hectares de terre défoliés,
Un génocide vain, perpétré au Viêt-Nam,
Quand le canon se tait vous vous continuez.

Mais regardez-vous donc un matin dans la glace,
Patron du Figaro songez à Beaumarchais,
Il saute de sa tombe en faisant la grimace
Les maîtres ont encore une âme de valet.