Monsieur le Président,

Je suis le Maire de Tomblaine en Meurthe et Moselle et j’ai décidé de refuser d’organiser ce que vous appelez « le grand débat ». Plus encore, j’appelle solennellement mes collègues Maires, qui partageront mon avis, partout en France à refuser de l’organiser.
Le grand respect que j’ai pour la fonction présidentielle et pour la République m’amène à croire aujourd’hui à un nécessaire devoir de désobéissance républicaine.
Oh bien sûr, si on me demande les clés pour organiser ce débat dans une salle municipale, je les mettrai à disposition, pour que la discussion puisse avoir lieu, mais je ne participerai pas à cette mascarade et je m’en explique.
Je pense que vous bernez, une fois de plus les français et il serait tout à l’honneur des Maires de France de ne pas s’en rendre complices malgré eux.
C’est l’histoire d’un pyromane qui a mis le feu aux poudres et qui soudain fait appel aux Maires comme pompiers de service !

Vous le savez, nous sommes contre les violences, toutes les formes de violences et nous les condamnons, mais force m’est de constater que la première violence est la violence d’Etat que vous avez structurée par vos mots et par vos actes dès votre arrivée à l’Elysée et qui chaque fois n’ont d’autres buts que de diviser les français pour mieux asseoir votre règne.
Remise en cause de l’ISF = violence.
Augmentation de la CSG sur les retraites = violence.
Baisse des APL = violence.
Le statut, le salaire, le train de vie de votre épouse = violence.
L’affaire interminable Benalla = violence.
Toutes vos petites phrases :
– le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler…
– une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien…
– je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes…
– Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’il ne peuvent pas avoir des postes là-bas…
– Je traverse la rue et je vous en trouve du travail…
– et j’en passe, les gaulois réfractaires au changement, qui coûtent un pognon dingue, pour beaucoup illettrés, dont certains déconnent…
Mais comme disait Brassens « il y a peu de chance qu’on détrône le roi de ces gens-là ! »
Monsieur le Président, croyez-vous sincèrement que, tant sur le fond que sur la forme, ces propos soient dignes de votre fonction ?
C’est toute cette violence qui légitime aujourd’hui mon irrévérence, ce que je dis est factuel, il n’y a pas outrage et parce que je veux rester un homme libre, je réclame le droit à l’impertinence.
Et puis la violence, c’est l’Etat qui tire sur le Peuple, les blindés, qui pour certains utilisent des liquides incapacitants à la dangerosité extrême, les armes semi-létales, le LBD utilisé à bout portant, les gaz lacrymogènes, toutes ces armes utilisées par des policiers insuffisamment formés, souvent eux-mêmes travailleurs pauvres, souvent sympathisants de la cause des gilets jaunes. Vous leur avez donné cyniquement l’ordre de tirer sur le Peuple ! Des morts, une centaine de blessés graves, parmi les manifestants non violents, certains ont perdu un œil, sont mutilés à vie, d’autres ont des fractures, un journaliste qui portait secours à un blessé, des retraités, des femmes brûlées par le gaz…
C’est indigne de votre fonction, c’est inacceptable, tout cela doit cesser immédiatement ! Les Maires, dernier maillon entre les français et la République ne doivent plus tolérer cela !

Ces Maires, vous les méprisez depuis toujours. Vous refusez de répondre à leur invitation à leur Congrès National, vous continuez à leur baisser leur dotations tout en affirmant le contraire. Par exemple, Monsieur le Président, pouvez-vous me confirmer que l’enveloppe de la Dotation de Soutien à l’Initiative Locale, Dotation destinée à aider les Communes à investir et ainsi faire travailler les petites entreprises locales, baissera encore de 45 millions en 2019 ? Elle sera de 570 millions, alors qu’elle était de 615 millions en 2018…
Ces Maires qui sont privés des moyens d’agir et de leurs domaines de compétences confisqués par les Barons locaux, Présidents des Métropoles et des supra-intercommunalités, vous leur demandez aujourd’hui d’organiser votre débat ? Mais de quel débat s’agit-il ?
Vous avez ignoré les gilets jaunes et leurs revendications qui sont un autre mode de gouvernance pour plus de démocratie et moins de privilèges et surtout une amélioration immédiate du pouvoir d’achat.
Et chaque samedi, vous les comptez, en espérant que le mouvement va s’essouffler… Mais vous ignorez aussi les millions de français majoritaires dans ce pays qui soutiennent la cause de ces gilets jaunes et qui sont gilets jaunes dans l’âme.
Alors vous avez écrit une lettre, elle n’est en rien une réponse à ce que vous appelez la crise des gilets jaunes, parce que vous ne voulez par connaitre et reconnaître ce qui est « la colère du Peuple ».
Vous aviez organisé votre campagne pour la présidentielle, comme dans le monde de la finance on fomente une OPA. Et voilà que vous recommencez avec cette grande campagne de communication.
Le pyromane crée alors un écran de fumée : qu’i appelle « le grand débat » !
Cette lettre est une nouvelle impolitesse républicaine. Faites de questions fermées, ou à choix multiples, mais induits, elle ne fait que suggérer, inciter, préparer à ce qui n’est rien d’autre que votre programme de campagne pour les Européennes. Programme que vous financez-là avec l’argent public, Monsieur le Président, alors que vous avez le devoir de montrer l’exemple !
Dans cette lettre vous opposez les travailleurs actifs aux retraités, vous stigmatisez les manifestants en créant des amalgames, vous écrivez clairement que de toute façon vous ne reviendrez pas sur les mesures que vous avez prises (à quoi sert alors de proposer un débat ? C’est « circulez, y a rien à voir !)…

Pendant ce temps-là, nous les Maires, nous tentons sept jours sur sept de secourir les gens, de garantir la cohésion sociale, nous attribuons des aides alimentaires d’urgence, nous pallions aux carences de l’état, nous créons du lien social, nous luttons contre la pauvreté, contre l’isolement. Dans votre pays, monsieur le Président, il arrive que l’on meurt aux urgences, les hôpitaux manquent de moyens, les personnes handicapées ne sont pas respectées, les chômeurs, les retraités, les travailleurs pauvres sont légions et n’ont pas de quoi vivre décemment. Dans nos villes, dans nos villages, dans nos quartiers, nous les Maires, nous en sommes témoins. Mais vous, vous ignorez cela, monsieur le Président.

Alors vous avez lancé votre Grand Débat par plusieurs shows que vous avez voulu médiatisés. Avec des Maires triés sur le volet par vos Préfets, des Maires dont les questions avaient été savamment sélectionnées, des Maires qui n’avaient pas le droit de vous répondre. 
Vous leur avez même fait le coup de la réflexion à mener pour revenir sur les 80km/h ! Il fallait oser !!! Alors que cette réforme a été prise sans concertation et de façon autoritaire, vous venez maintenant leur faire la leçon. Je considère, Monsieur le Président que cet exemple de démagogie est un lapsus de votre part quand vous espérez que les Maires vont tomber dans le panneau…
Suite à ce grand barnum, il se dit qu’une toute petite centaine de débats ont eu lieu en France et qu’on en annonce 500 autres, selon les chiffres de l’Elysée… 600 pour 36000 Communes ? Ce Grand Débat, c’est une grande débâcle annoncée. Cela s’explique parce que vous êtes hors-sujet.

Oui, j’en appelle aux Maires. Je comprends qu’il est toujours flatteur de se faire inviter à l’Elysée, je comprends qu’on a tous intérêt à courber l’échine et à se laisser regrouper dans une salle des fêtes pour écouter le Président, si on ne veut pas que le Préfet règle ensuite ses comptes en rognant sur les dotations attribuées à sa Commune. Eh oui, messieurs, dames, c’est ainsi que fonctionne la République… Mais je vous appelle à garder collectivement votre dignité et à faire honneur à l’écharpe tricolore qui vous ceint.

Monsieur le Président, je vous ai adressé un message de nouvel an par une vidéo qui a été vue 2 millions et demi de fois et partagée et likée des dizaines de milliers de fois. J’ai la grande prétention de penser que ce succès démontre une reconnaissance populaire massive dans les mots que j’ai employés et surtout dans les solutions que je vous y ai suggérées…
Je vous ai écrit tout cela dans un petit livre intitulé « Ecoutez-nous »… Mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Le Peuple de France, qui comprend les plus fragiles, mais aussi les petits patrons, les PME-PMI dans nos régions, les travailleurs pauvres, les classes que vous dites « moyennes », ce Peuple, il attend de vous que vous passiez à l’acte maintenant, sans délais et sans tergiverser. Il attend les signes ostensibles du respect retrouvé.
Les solutions : remettez en place l’ISF tout de suite, combattez réellement l’évasion fiscale qui nous coûte chaque année entre 60 et 80milliards d’euros, quand le seul budget de l’Education Nationale est à 80 milliards ! Dénoncez vos amis de l’Europe qui cautionnent les paradis fiscaux au sein même de cette Europe et qui permettent ainsi cette évasion fiscale. Refusez de payer les intérêts de la dette, quand les banques privées spéculent sur la misère des français (ces intérêts qui représentent le 4ème poste budgétaire de l’Etat). Augmentez la TVA sur les produits de luxe et diminuez-là sur les produits de première nécessité, dont il faut élargir considérablement la liste.
Et puis avec toutes ces recettes, redonnez des moyens au Service Public, socle de la République et garant de la cohésion sociale.
Revalorisez de façon significative (on ne vous demande pas la charité) les bas salaires et pas uniquement le SMIC, donnez de l’oxygène aux petits employeurs, ceux de la France d’en bas, dans nos régions, ceux qui embauchent, ceux qui entreprennent pour qu’ils puissent revaloriser les salaires et les emplois.

Ne vous arrêtez pas à l’impertinence du propos, ce nouveau message de ma part est une main tendue.
Voilà ce que nous attendons de vous, Monsieur le Président, écoutez-nous, osez, acceptez et nous serons nombreux à vous aider dans l’intérêt général et le respect de votre fonctions et des nôtres.