Monsieur le Bâtonnier,
Vous avez souhaité m’alerter sur la réforme de la garde à vue avec un argumentaire complet et je vous en remercie.
Cette démarche est en effet importante pour les parlementaires, puisque notre travail dans l’hémicycle est nourri des échanges que nous pouvons avoir avec les professionnels sur le terrain. Le travail que vous nous avez fait partagé nous a donc conforté dans notre vision de cette mauvaise réforme.
Déposé le 13 octobre 2010 à l’Assemblée Nationale, le projet de loi relatif à la garde à vue a fait l’objet de nombreux débats. Le texte du gouvernement a nécessité deux lectures devant chacune des chambres du Parlement. Finalement, malgré l’opposition constante du groupe socialiste, radical, citoyen et le dépôt de nombreux amendements, le projet de loi a été adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale le 12 avril dernier.
Les députés socialistes ont, tout au long de la discussion de ce projet de loi, aussi bien en commission qu’en séance publique, fait part de leurs critiques, relayant ainsi les revendications portées les magistrats, les policiers et les victimes.
En effet, ce projet de réforme de la garde à vue proposé par le gouvernement, semble inapplicable, faute de moyens. La majorité elle-même, par la voix du ministre de l’Intérieur et du président UMP de la commission des Lois à l’Assemblée nationale, a exprimé de grandes réserves. C’est contraint et forcé que le gouvernement a fini par procéder à cette réforme réclamée depuis longtemps par les députés socialistes. A la suite de plusieurs condamnations de la France devant la cour européenne des droits de l’homme, le Conseil constitutionnel a jugé illégales les lois qui régissent la garde à vue et sommé le gouvernement de les réformer. Les députés socialistes avaient déposé, en 2010, une proposition de loi visant à réduire l’arbitraire et les abus qui entourent cette procédure attentatoire aux libertés fondamentales. Résultat de la politique du chiffre, le nombre de gardes à vue a quasiment doublé depuis les années 2000 pour atteindre aujourd’hui environ 800 000, si l’on y inclut les gardes à vue pour les infractions routières. Face à ces injonctions, le gouvernement n’avait d’autre choix que de concéder une avancée majeure : le droit pour toute personne gardée à vue de bénéficier, dès le début de son audition, de l’assistance d’un avocat. Le gouvernement a néanmoins avancé à reculons. Pour preuve, le projet de loi initial prévoyait de remplacer la garde à vue par le principe de l’audition libre, sans avocat… Le gouvernement a, in extremis, renoncé à ce tour de passe-passe très révélateur de son état d’esprit.
En réalité, avec mes collègues députés socialistes, nous estimons que le texte ne propose pas la réforme profonde et globale qui est requise. Il comporte d’importantes lacunes, notamment sur la question préalable du statut du Parquet. Surtout, il n’apporte pas de réponse à la question cruciale des moyens nécessaires à une telle réforme. Des officiers de police, des avocats, des magistrats et des greffiers supplémentaires doivent renforcer l’efficacité de la procédure et garantir les droits des suspects. Nous pensons que des solutions doivent être apportées, sans délai, aux problèmes de locaux et de rémunération de l’avocat dont la présence sera considérablement accrue. Non financée, cette réforme sera purement et simplement inapplicable.
C’est pourquoi lors de la séance du 12 avril dernier, j’ai voté contre ce texte. Vous trouverez le résultat du scrutin en pièce jointe, avec les votes des parlementaires Meurthe et Mosellans.
Je reste à votre disposition et vous prie de croire, Monsieur le Bâtonnier, à mes sincères salutations.