Je lis dans la presse régionale que Mathieu Klein, Président du Conseil Général, dit qu’il n’est pas un frondeur en même temps qu’il affirme un certain nombre de résistances quant aux choix économiques et budgétaires de ce Gouvernement. Tout cela au lendemain des déclarations fracassantes de Martine Aubry.
Pour ma part, je me reconnais complétement dans ces résistances de Mathieu Klein face aux erreurs de ce Gouvernement, tout comme je reconnais aussi un certain nombre de choses positives qui sont insuffisamment valorisées dans les médias comme par exemple l’augmentation de plus d’un milliard du budget de l’école, budget qui redevient après plusieurs années le premier budget de l’Etat. Mais chaque fois qu’un journaliste m’a appelé et m’a qualifié de frondeur, j’ai toujours dit que je n’aimais pas qu’on me qualifie comme ça. Je ne suis pas non plus un frondeur, je ne suis pas dans une opposition systématique, je souhaite pouvoir être propositionnel, c’est pour cela que les gens m’ont élu. Malheureusement, la méthode de ce Gouvernement ne permet pas la discussion, ne permet pas d’entendre les propositions des Députés, le fonctionnement est complètement vertical. Le Président dit (et quand ce n’est pas le Président, ce sont les technocrates de Bercy), les Ministres exécutent, les Députés doivent approuver sans le moindre écart. Ce n’est pas ma conception de ce que devrait être l’organisation républicaine et démocratique.
D’emblée, les reproches que je vais faire à la méthode sur ce Projet de Loi de Finances ne s’adressent pas personnellement à Christian Eckert qui est un ami et qui assume avec courage et avec talent des fonctions difficiles dans un contexte compliqué. Par contre, je reproche sur la forme un budget qui s’est construit sans dialogue. Les diktats de Bercy, les votes réservés pour empêcher la discussion, les programmes budgétaires discutés hors hémicycle en « Commission élargie » qui vous mettent dans la situation de pouvoir donner votre avis sur tout un programme budgétaire en 2 minutes chrono, pas une seconde de plus. Les Députés sont réduits à l’état de godillots. Pire encore, s’ils prennent la parole trop librement, on les punit en les changeant autoritairement de commission ou en les privant de temps de prise de parole. Alors que dire de ce Gouvernement lorsqu’il fait en sorte que quelques Députés bien dans la ligne proposent une réforme que ce Gouvernement n’a pas eu le courage de présenter lui-même. Après cela, les médias pourront dire que la réforme des allocations familiales a été proposée par les Députés socialistes.
Enfin, le grand public doit savoir que quand les Députés étudient le Projet de Loi de Finances du Gouvernement, ils n’ont pas la possibilité de déposer le moindre amendement générant une dépense supplémentaire et peu importe qu’elle soit au nom de la solidarité nationale. Ils n’ont pas non plus la possibilité de proposer un amendement supprimant des économies annoncées dans le Projet de Loi de Finances initial. Ces amendements sont systématiquement refusés au nom de l’article 40 et n’arrivent même pas en séance. Ça, c’est le contexte, c’est la forme.
Sur le fond, il est inacceptable de constater dans ce Projet de Loi de Finances 4 milliards de baisse de dotation sur le dos des collectivités locales. Arrêtons ce cirque médiatique orchestré par la Cour des Comptes et par les « pseudo-experts de service » pour laisser à penser au grand public que les collectivités locales sont dépensières. Je propose que l’on regarde cela avec plus de discernement. Baissons les dotations aux communes qui se dotent de frais de protocole importants, de voitures officielles, de fêtes, cérémonies fastueuses, … Mais ne mélangeons pas tout. Quand la plupart des communes dépensent, c’est pour investir et donc générer de l’activité dans le bâtiment, dans la culture, etc et donc créer des emplois. En fonctionnement, quand les communes dépensent, c’est parce qu’elles offrent du service public, de la solidarité, du lien social, des crèches, de la restauration scolaire, des foyers pour personnes âgées, … Tout ce service public permet de faire vivre les valeurs républicaines telles que l’égalité ou la fraternité. Ce sont donc les familles les plus pauvres qui en ont le plus besoin et comme le contexte économique de ce pays fait que la population est de plus en plus pauvre, les Françaises et les Français ont besoin de leurs communes soutenues par l’Etat (dans le cadre de ses missions régaliennes) et donc en capacité d’assumer leurs responsabilités.
Un point dans le Projet de Loi de Finances est particulièrement scandaleux, là encore dans la forme ou sur le fond : l’Etat va faire un cadeau annuel de 23,75 millions d’euros par an aux clubs de football professionnels et en particulier aux plus gros alors que dans le même temps, on supprime 800 millions aux familles et 4 milliards aux collectivités locales.
On le savait, on s’en doutait, le Gouvernement n’avait pas inscrit ça dans le Projet de Loi de Finances de façon explicite mais il allait arriver tardivement en fin de semaine (le vendredi après-midi) un amendement du Gouvernement en catimini qui allait proposer la suppression de la taxe sur les spectacles.
Pour ceux qui pensent que je m’émeus pour la Ville de Tomblaine, on sauve un peu la situation puisque dans cet amendement, le Gouvernement prévoit une compensation de la recette perdue par les communes qui s’alignera sur la recette constatée en 2013. Le Ministre du Budget a même annoncé dans l’hémicycle que cette compensation serait pérenne, engageant ainsi le Gouvernement. Si on avait eu le temps de réagir, c’est-à-dire si le Gouvernement avait inscrit ça dans le Projet de Loi de Finances initial, j’aurais proposé un amendement pour que cette compensation s’applique à partir de la moyenne des recettes constatées sur les trois dernières années 2011, 2012 et 2013, ce qui aurait été beaucoup plus juste dans le cas d’une ville comme Tomblaine puisque Tomblaine a perçu une somme bien inférieure en 2013, l’ASNL étant en Ligue 2, qu’en 2011 où l’ASNL était en Ligue 1.
Les communes sur lesquelles sont implantées des stades de football ont un déficit de recettes organisé par l’impossibilité de construire des logements, or un stade, plus les annexes, plus les parkings, cela représente beaucoup de foncier. C’est un manque à gagner en taxe foncière et en taxe d’habitation. C’est pourquoi j’ai toujours pensé qu’il était légitime que l’activité football rapporte des recettes à la commune d’implantation. Aujourd’hui, c’est un problème dépassé puisque l’Etat compensera cette taxe sur les spectacles en direction des communes, même si une commune comme Tomblaine est en partie perdante. |
Mais le grand scandale, c’est celui du cadeau fait aux clubs de football professionnels (uniquement) et en particulier aux très gros clubs.
Comment cela s’est-il passé ? Le lobby du football professionnel a beaucoup intrigué auprès de François Hollande pour que soit supprimée la taxe sur les spectacles. Est-on dans le copinage ? Dans la politique-spectacle ? Dans la démagogie ? Toujours est-il que la Présidence a donné la consigne que la taxe sur les spectacles devait être supprimée et remplacée par un assujettissement à la TVA. Bercy voulait que les clubs soient taxés sur une TVA de 20%, ce qui aurait rapporté à l’Etat 32 millions. Mais le lobby du foot est revenu à la charge et c’est finalement un taux de 5,5% qui a été retenu. Le produit de la taxe sur les spectacles perçue par l’Etat et les collectivités territoriales en 2013 étaient de 32 millions d’euros. C’est une taxe qui s’appliquait ou ne s’appliquait pas selon les villes. Elles pouvaient le faire dans une fourchette de 8 à 10% des recettes brutes de billetterie. Cette taxe et donc cette recette sont supprimées.
Finalement, grâce au lobbying du football professionnel, c’est le taux de TVA de 5,5% qui s’appliquera et les clubs professionnels ne devront s’acquitter que de 8,25 millions d’euros par an. Le différentiel entre ce que les clubs payaient à l’Etat et aux communes et ce qu’ils devront désormais payer à l’Etat via la TVA est donc de : 32 M€ – 8,25 M€ = 23,75 M€ !!! C’est un cadeau de 23,75 M€. |
A l’heure où l’on ponctionne les familles de 800 millions, c’est un cadeau indécent. Comme on est sur un pourcentage, les clubs qui gagneront le plus dans l’affaire sont les gros clubs. On ne peut pas considérer que les petits clubs soient très avantagés et le cadeau ne me semble pas être scandaleux à leur égard. Mais par exemple pour le Paris-Saint-Germain, il devra débourser moins de 3 millions d’euros par saison. C’est là très avantageux pour le PSG et pas du tout pour la Ville de Paris.
Le lobbying du football a commencé en prévision de l’Euro 2016. Cela signifie que les socialistes sont en train de faire des cadeaux que nous dénoncions nous-mêmes quand Sarkozy était aux affaires. Par ailleurs, il est évident que dans certaines villes, les stades ont été agrandis ou créés (exemple : Lille) sur la base d’un budget prévisionnel où les recettes produites par la taxe sur les spectacles allaient progresser et permettaient donc d’équilibrer le budget souvent faramineux de ces stades. Ça ne sera pas le cas.
En résumé, on peut dire que l’Etat va y perdre beaucoup, les communes vont y perdre beaucoup, la répercussion de la TVA sur les billets d’entrée va également pénaliser les spectateurs, en particulier pour les gros clubs où les tarifs sont déjà très importants (ce qui n’est pas le cas de l’ASNL par exemple qui a une politique qui offre des prix très attractifs).
Enfin, c’est peut-être symbolique mais il y a un élément qui m’a particulièrement choqué à l’heure de ne pas voter ce Projet de Loi de Finances. Dans l’amendement du Gouvernement pour supprimer cette taxe sur les spectacles, il est proposé au 8° c) que l’article 1566 soit ainsi modifié : « Au quatrième alinéa, les mots : « Pour tenir compte du droit des pauvres supprimé, » sont supprimés ».
Plus clairement, cela signifie que cette taxe sur les spectacles avait été historiquement créée pour organiser une recette à la place d’une autre qui était appelée le droit des pauvres. Nous sommes socialistes, nous supprimons cette taxe, nous effaçons cette notion du droit des pauvres. Je m’interroge.