Mener la bataille culturelle qui nous oppose à la droite, rompre, pour se projeter dans un avenir collectif, avec l’individualisme et « l’autorité de l’éternel hier », telle que l’évoquait Max Weber, nécessite de renouveler sans cesse notre rapport au monde. Les artistes nous y aident en donnant à voir et à partager d’autres lectures du réel qui nous éveillent et nous portent. On ne trace pas de chemin politique sans un imaginaire puissant.

En matière de politique culturelle, le quinquennat qui vient de s’écouler a mal commencé, avec une forte baisse des crédits publics. Mais c’est avant tout symboliquement que la culture a cessé d’être une priorité. L’art et la culture comme horizon d’émancipation doivent être au cœur du discours et des actes de la gauche. Faire vivre les droits culturels, le droit à l’accès à l’art et au patrimoine et, pour chaque citoyen, le droit à la création et à la reconnaissance de ses identités culturelles, quelles qu’elles soient, passe par trois exigences.

D’abord, le principe d’une juste rémunération des artistes. Je souhaite porter le projet d’un statut de l’artiste, notamment pour ceux, nombreux, comme les auteurs et les plasticiens, qui n’ont pas accès à l’intermittence. Pour les plus jeunes, particulièrement précaires et qui renoncent trop souvent, le premier étage du revenu universel d’existence répond à un impérieux besoin.
La rémunération des auteurs à l’ère numérique doit être une exigence. Si cette révolution est une formidable opportunité pour les artistes, ils sont bien trop souvent le seul maillon de la chaine à ne pas en vivre. Il nous faut inventer les solutions techniques et juridiques, développer l’offre légale. Les droits d’auteurs ne sont en rien contradictoires avec une diffusion au plus grand nombre. Aujourd’hui, les GAFA s’emparent, des œuvres et refusent, comme ils refusent de participer à l’effort fiscal, de payer leurs créateurs. Ce n’est pas acceptable.

Ensuite, inlassablement, la lutte contre la reproduction culturelle, première des inégalités. La parole de Pierre Bourdieu est toujours d’actualité. Quand l’économie se resserre, que les voies de la promotion sociale se rétrécissent, la culture est le dernier discriminant, l’attribut des dominants et le stigmate de ceux qui ne sont pas nés dans le bon milieu. Il faut évidemment donner la priorité absolue à l’éducation artistique et culturelle, notamment en soutenant les collectivités locales, la culture ayant été la première victime des baisses de dotation, en mettant l’accent sur les zones qui en ont le plus besoin.
La répartition de notre offre culturelle est en effet extraordinairement inégale, avec une concentration des crédits en Ile de France. Je donnerai la priorité à la lutte contre les déserts culturels, en milieu rural comme en milieu urbain. Il faut penser autrement les nouveaux lieux de culture qui ne peuvent plus être le résultat de « grands travaux », d’une culture institutionnelle et descendante. Qu’est-ce qu’un lieu d’art qui n’invente plus ? Je porte le déploiement de fabriques de culture, de dispositifs mobiles et innovants. De nombreux acteurs nous interpellent sur la formidable opportunité que représentent l’art et la culture dans l’espace public, ou sur les lieux de travail, pour confronter exigence artistique, expérimentation et accès au plus grand nombre. Il faut ouvrir de nouveaux horizons. Le Ministère de la culture ne doit pas être une forteresse. La France est très en avance, notamment dans les créations numériques, comme le jeu vidéo ou l’animation. Je souhaite soutenir l’entreprenariat culturel et les nouveaux modes de création, plus collectifs, qui pensent la culture en lien avec le développement durable et la lutte contre les inégalités.

Enfin, faire vivre le projet culturel européen. L’exception culturelle, qui permet de soutenir économiquement la culture, doit être plus que jamais portée à ce niveau. Je souhaite aussi qu’une politique culturelle commune participe à l’identité de l’Union. C’est ainsi à l’échelle de l’Europe que nous devons faire de la protection des artistes persécutés dans leur pays une priorité de notre politique d’asile.

La première des ressources pour la culture, ce sont des citoyens qui ont un désir d’art, parce qu’ils ont le temps, la sécurité économique et l’accès aux œuvres. Prendre acte de l’évolution inéluctable du monde du travail, de la nécessité absolue de repenser le revenu et les modes de production participe évidemment d’une culture désirable.