Ce dimanche 29 janvier 2012, toutes les télévisions de France seront réquisitionnées en début de soirée pour forcer la diffusion de la bonne parole présidentielle concernant la gestion de la crise financière qui traverse le pays comme l’ensemble de l’Europe. Mieux qu’un savant discours politicien, Halimi Abdellatif propose une fable qui permet de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette crise. Maglor.fr vous invite à la lire et à la diffuser autour de vous.
La crise des ânes (texte d’Halimi Abdellatif)
Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village…
Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient un peu étrange, mais son prix était très intéressant, et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie.
Il revint le lendemain, et offrit cette fois 150 euros par tête… Là encore, une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes.
Les jours suivants, il offrit 300 euros…
Et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants.
Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 dans huit jours, et il quitta le village.
Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter, et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 l ‘unité…
Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix auquel ils l’avaient vendu. Et pour ce faire, tous empruntèrent.
Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal, et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés !
Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt…
Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis, puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier.
Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire, en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune.
Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant.
Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois, ni sur celles de la commune, et tous se trouvèrent proches du surendettement.
Voyant sa note en passe d’être dégradée, et prise à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines. Mais ces dernières lui répondirent quelles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes.
Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale… On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires, et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable…
Mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.
Cette triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères, et vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée “à la sueur de leur front”. On les appelle les frères Marchés.
Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants.
Cette histoire n’est toutefois pas finie, car on ignore ce que firent les villageois !