C’est une femme exceptionnelle qui était mise à l’honneur jeudi soir à Ludres. Evelyne Bertrand a créé et dirigé pendant 18 ans le lieu de vie Fasilado. Peu de gens savent ce qu’est un lieu de vie. Dans la palette des. offres d’accueil de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), il y a toutes sortes d’établissements, de centres éducatifs, de maisons d’enfants, des assistantes maternelles … Et puis il y a les lieux de vie. Ils sont assez rares, parce qu’il demandent un investissement personnel et professionnel énorme de la part des personnes en responsabilité. Une disponibilité, une sorte de militance professionnelle. Forcément en marge des dispositifs habituels, de par leur originalité, chaque lieu de vie a dû inventer un projet de vie, un projet pédagogique dans le seul but d’accompagner l’enfant, de lui apporter sécurité, protection, bienveillance, éducation. Le concept d’éducation exige de la rigueur et n’ayons pas peur de le dire également de l’amour. Evelyne Bertand par ses qualités personnelles, relationnelles, comme par son savoir-faire professionnel sait être rigoureuse et aimante.
N’oublions pas la Loi et le sens de la Loi, l’Ordonnance de 1945 qui évoque « la Protection de l’Enfance » et qui proclamait alors la prééminence de l’éducatif sur le répressif. Il en résulte qu’avant de parler de sanction, il faut protéger, éduquer, accompagner. C’est un devoir de société, une responsabilité collective (« il faut tout un village pour éduquer un enfant »)
A propos de ces jeunes, ces enfants au parcours douloureux, parfois dès le plus jeune âge, ne parlons surtout pas de « jeunes à problèmes », même s’ils présentent souvent des troubles du comportement, parce que ce ne sont jamais eux qui ont posé les problèmes, c’est notre société qui a créé une situation problématique, douleur, ruptures, l’enfant n’est alors pas en capacité de se construire et de répondre à toutes les exigences sociétales, et de rentrer dans les normes qui rassureront le tout venant …
Les lieux de vie accueillent des enfants pour qui toutes les autres structures existantes sont ou sont devenues inadaptées. C’est pourquoi ces lieux de vie sont si précieux.
Jeudi soir, Evelyne Bertrand fêtait son départ en retraite. Elle a accompagné ainsi 67 enfants en 18 ans dans son lieu de vie Fasilado. Elle a réalisé un travail énorme, bousculant toutes les embûches, toutes les difficultés, déterminée, passionnée, j’ai toujours été admiratif de cette femme et je le serai toujours.
Toutes les personnes présentes jeudi ont couvert d’éloges Evelyne Bertrand qui mérite tant cette reconnaissance, mais la plus grande des reconnaissances, a été celle de cette dizaine de jeunes qui se sont succédés au micro popur apporter spontanément leur témoignage et remercier avec force et chaleur Evelyne.
Bouleversant.
Certains sont aujourd’hui installés dans la vie, en couple, avec un bon métier … Tous reviennent de très loin. Tous continuent à se construire parce qu’à Fasilado, on leur a donner les clés… Et quand un jeune dit « merci Evelyne, si tu n’avais pas été là, je ne serais plus là … » l’émotion est grande.
Ces témoignages et remerciements nombreux suffiront-ils pour effacer les blessures d’Evelyne, qui a subi en fin de carrière des contrôles abjects dans la forme de la part de la technocratie en place. Interrogatoires, suspicion, mises en accusation, questions intrusives et déplacées… Quelle indécence ! C’est terrible de voir son honneur et son intégrité mis en cause par du flicage primaire de technocrate … L’ASE n’est décidément plus ce qu’elle a été. Quand on donne tant de soi dans l’intérêt public, on attend d’être aidé, soutenu, on attend qu’on s’intéresse à la réalité de notre mission.
C’était le cas avant, mais la société a dérapé et le pouvoir aux technocrates pervertit la République.
Je n’ai pas pu m’empêcher le parallèle avec ce que je vis comme Maire de plus en plus, deux autres maires étaient présents, on en a parlé, apparement c’est un (re)sentiment largement partagé.
Dans la salle, il y avait plusieurs personnes responsables ou ex-responsables de lieux de vie en Meurthe et Moselle … Ils m’ont confié, avec tristesse, avoir subi les mêmes mauvais traitements de l’administration … Et, si j’ai bien compris, il n’y aurait quasiment plus de lieux de vie dans le département …
Je pense à ces 67 jeunes, dont la plupart va mieux, va bien et va aller bien … Merci Evelyne.
